Avec une magnifique préface signée de la main du poète et dramaturge Zéno Bianu, cette édition nous offre une véritable parenthèse hors du temps.
Extrait du volume Les heures oisives d'Urabe Kenkô, suivi de Notes de ma cabane de moine de Kamo no Chomei, ce recueil de textes traduits du japonais nous permet d’observer, à défaut de faire, l’expérience de l’ermitage.
Un isolement sous forme de méditations qui ne requiert pas pour autant de se couper totalement du monde. Au contraire, ces deux moines-ermites du Moyen Âge ne vont cesser de questionner la réalité qui les entoure. En cherchant un prisme nouveau, « dans un affûtement sans fin de l’écoute », ils atteignent un niveau de détachement de l’esprit leur permettant « d’habiter entièrement la vie ».
Une portée morale assez surprenante à saisir lorsque l’on n’est pas forcément habitué ni au style, ni au contexte historique de la littérature médiévale japonaise. Mais étant curieuse de nature, j’aime aussi cette phase de recherches qui accompagne ma lecture. Celle-ci aura eu le mérite de me faire découvrir un tout autre univers !
Entremêlant poésie et essai philosophique, c’est le genre de livre court qui requiert toutefois de prendre son temps pour parcourir ce qui, de prime abord, ressemblerait davantage à des divagations couchées sur papier plutôt qu’à des pensées spirituelles.
C’est d’ailleurs par le biais de cette construction particulière, nommée Tsurezuregusa, que repose la réputation d’Urabe Kenkô. On parcourt une sélection de ses 243 essais, brefs et concis, portant sur divers thèmes qu’il met en lien : l’art, l’amour, l’amitié, la beauté de la nature, et particulièrement « l’extraordinaire impermanence du vivant ». Puisque rien ne dure, l’homme doit apprendre à apprécier ce qui change et ce qui tend à disparaître.
On passe d’un sujet à l’autre, ce qui peut paraître un peu déroutant mais qui correspond en réalité au Zuihitsu, littéralement traduit comme « au fil du pinceau ». Un style d’écriture classique assez populaire à l’époque et qui se caractérise par « une prose libre, à la première personne, enregistrant pensées, événements, détails, anecdotes… ».
La seconde partie, Notes de ma cabane de moine de Kamo no Chomei, revêt également une forme mixte d’essai, de chronique journalière et de poésie. À la différence qu’elle m’a semblé plus émouvante, plus intime, plus proche du récit autobiographique où l’auteur regarde derrière lui et dresse le bilan des difficultés qu’il a traversées et qui l’ont conduit au moment où il écrit.
Malgré l’époque et le poids de traditions différentes, ces textes demeurent intemporels et, honnêtement, réellement accessibles pour ceux qui ont à cœur de se plonger de temps à autres dans des moments de contemplations silencieuses. Amoureux ou adeptes de Thoreau, de Stevenson, de Kerouac, de Tesson et même de Rimbaud, laissez-vous porter, emporter, transporter par cette « danse des mots, des sons et des sens ».