Versailles, 1686. Le roi Louis XIV souffre depuis de nombreux mois de soucis intestinaux qui l’empêchent de se soulager comme il l’aimerait, mais il souffre surtout d’une fistule anale qui lui rend la vie impossible. Les médecins royaux cherchent en vain une solution à ses problèmes et se disputent beaucoup sur comment soulager le roi..
Suite à une succession d’heureux hasards — si le fait de croupir en geôle peut être qualifié « d’heureux » —, Geoffroy, un apprenti barbier, se retrouve dans l’antichambre du roi et fait sa connaissance alors que celui-ci tente vainement de déféquer derrière une méridienne. Geoffroy ignore alors que c’est le roi lui-même qui essaie de se soulager, et il ne l’apprend que quelques minutes plus tard, quand on le fait entrer dans la chambre du souverain, où les médecins royaux sont en train de l’examiner. Et de s’échauffer les uns et les autres sur le meilleur traitement à donner à sa Majesté.
Pour le remercier d’avoir sauvé son intendant général et apprenant que Geoffroy se destine à être chirurgien barbier, Louis XIV le confie à son chirurgien, afin qu’il apprenne le métier. Dès le lendemain, il se rend aux Hospices des Filles de la Charité, afin de prendre ses premières leçons. Geoffroy découvre que le chirurgien, sous des dehors bourrus, est plutôt un brave homme qui ne se fait pas toujours payer ses services, et nous, lecteurs, nous découvrons avec effarement qu’il estime que boire de l’alcool rend la main plus sûre et le cerveau plus leste. « L’alcool est l’un des secrets du métier ».
Grâce à ses nouvelles entrées au château, Geoffreoy est invité à dîner par le marquis de Rébénacq qui cherche à sympathiser avec lui. Ébloui, Geoffroy ne comprend pas tout de suite que le marquis ne cherche qu’à l’utiliser afin d’approcher au plus près le roi et tenter de l’éliminer…
Découvrir une BD sur la fistule anale de Louis XIV doublée d'un complot visant à tuer le roi, sur l’instant votre cerveau fait « hein ? ». Et puis dès la première page on comprend que le mélange entre humour et histoire va être… explosif.
Et on n’est pas déçu. Philippe Charlot joue avec finesse avec la réalité, en y introduisant Geoffroy, un apprenti barbier, qui, pendant quelques mois, va côtoyer la cour et ses intrigues. Il y a des moments savoureux, quand on voit les courtisans qui attendent, avec une inquiétude visible, de savoir si ils doivent sourire, rire, ou non, quand ils sont en compagnie du roi. C’est très visuel, et j’avoue que j’ai beaucoup aimé.
Geoffroy manque de se perdre en côtoyant les nantis, mais on voit très vite qu’il a toujours un bon fond et qu’il trouve horribles les expériences qui sont faites sur des indigents afin de pouvoir opérer le roi dans les meilleures conditions. En effet, des centaines de cobayes humains venus tout droit de quartiers pauvres, des galères ou encore des prisons ont subi les tests de Charles-François Félix, le chirurgien royal.
Les dessins d'Éric Hübsch sont savoureux. Son trait semi-réaliste se marie très bien avec la plume de Philippe Charlot, et donne vie aux traits d’humour qui sont omniprésent et souligne le langage utilisé, qui n’est pas sans rappeler les comédies de Molière. Les situations sont parfois inventées, mais tout ce qui touche à l’opération et à la préparation de l’opération en elle-même est fortement documenté. Comme le chœur des jeunes filles de Saint Cyr, qui ont chanté durant l’opération, ou encore Mme De Maintenon qui a tenu la main du roi pendant que le chirurgien opérait.
Un très chouette album donc qui nous éclaire sur le fondement de la royauté. Et il faut être honnête, vu de ce côté-là, Louis XIV nous apparaît quand même beaucoup plus humain.