"La légende parle d'un homme qui, à l'instar des trois Rois mages (Gaspard, Balthazar et Melchior), devait être le témoin d'une naissance et donner un cadeau au nouveau-né. Cependant, ce quatrième ambassadeur arriva en retard. [...] le quatrième Roi mage aurait alors distribué les cadeaux, initialement destinés à Jésus, à chacun des enfants qu'il croisa." (Note du premier éditeur)
Dans les terres gelées du Grand Nord débarque un jour un drakkar. A son bord, le roi viking Bjørn Bjørnsen et ses guerriers, qu'il massacre à lui tout seul dès qu'ils touchent terre : il espère ainsi mettre un terme à leur violence. Gravement blessé, il est soigné par une guérisseuse inuite ; l'amour nait entre eux, sans mot dire. S'étant eux-même rebaptisés Nanuq (l'ours) et Jeg elsker deg (je t'aime, Amour), ils auraient pu vivre paisiblement, mais le Viking est trop plein de son passé douloureux. Vient alors un ange déterminé à ce que Nanuq accomplisse une mission divine...
Si les Vikings et le Père Noël viennent tous des régions septentrionales, le rapport avec les Rois mages semble de prime abord moins évident. Pourtant, c'est bien à cette vision que nous convie Antonio Exposito, dans une fresque grandiose, aussi belle que violente, qui nous fera traverser l'espace et le temps. Mais cette épopée sera surtout un voyage intérieur, une quête de soi-même. Elevé par un père sanguinaire, Bjørn n'a su s'en affranchir qu'en usant lui-même d'une violence extrême qu'il accepte mal. Est-il vraiment libre de faire ses propres choix, ou est-il condamné à répéter les erreurs de son père ?
La préface avertit qu'il s'agit d'une lecture exigeante. Et enchaîne sur des explications sur comment réussir à lire les dialogues et pensées en identifiant correctement les personnages, chacun étant symbolisé par un caractère différent qu'il va falloir mémoriser (Î pour Bjørn, Ô pour Amour, ¿ pour l'ange...), ça donne le ton.
L'auteur joue avec les phrases, mêlant leur forme et leur sens, les tordant pour supprimer le semi-auxiliaire "faire" ou autres étrangetés : "vois ci" pour "voici", "deux-venir" pour "devenir à deux", "un bruit tressaillit le garde", "un geyser l'envola"...
C'est bizarre et demande une attention de tous les instants. C'est aussi fatiguant, passé quelques pages. Quand on est déjà perdus, peinant à savoir si l'on est dans la réalité, le rêve ou un entre-deux (quand des puissances, divines ou autres, s'en mêlent...), c'est laborieux de devoir aussi réfléchir à chaque phrase pour essayer de comprendre ce que l'auteur a voulu dire. C'est certes poétique, mais bien prise de tête.
Pour ma part, la forme du texte m'a empêchée d'apprécier cette lecture autant que je l'aurais pu. C'est dommage, car je ressens bien la richesse et la puissance du récit, ses multiples imbrications qui donnent parfois envie de relire pour mieux profiter. Les thèmes abordés sont nombreux, liberté, religion, violence, ouverture aux autres... Oui, il y a vraiment de quoi être touché par cette histoire !
C'est donc un roman unique, à lire en connaissance de cause.