Les Chroniques de l'Imaginaire

Gurvan - Hérault, P.J. & Mariolle, Mathieu & Pastore, Livia

Gurvan est né dans un Matérédu comme tant d'autres, une stations spatiale dédiée à la production de nouveaux soldats dans la guerre interminable que livre la coalition terrienne. Sélectionné pour ses gènes, élaboré en cuve, éduqué à base de programmes destinés à faire de lui un pilote de chasse, il n'a pas de doute sur ce que doit être sa vie. Il va combattre pour son camp, encore et encore, ou tout au moins pendant les sept ans de service requis. S'il y survit, il rêve d'une retraite tranquille sur une colonie paisible, voire sur la Terre elle-même. Pourtant, il se fait peu d'illusion : la moyenne de survie au front des pilotes est de soixante-et-une missions, bien peu de temps finalement quand les situations de combat s'enchaînent sans répit...

Gurvan ne fait pas partie des meilleurs pilotes. A l'entraînement, ses simulations tournaient souvent court. Ses premières batailles confirment d'ailleurs qu'il est plus doué pour l'esquive que pour l'attaque. Il veut survivre, pas jouer les héros en se sacrifiant. Mais qu'importe, Gurvan continue, comme son éducation l'y a préparé. Un soldat ordinaire parmi des multitudes d'autres.

Ses certitudes naïves commencent à vaciller quand il se crashe à proximité d'un ennemi. La propagande est claire : les ennemis sont des monstres, différents de nous, qu'il faut exterminer avant qu'eux-mêmes ne nous exterminent. La procédure est claire également : tout ennemi doit être éliminé immédiatement. Mais quand cet ennemi se révèle une jeune femme humaine comme nous, qui nous ressemble ?

Les Humanoïdes Associés nous proposent ici une adaptation d'un roman de l'écrivain français P.J. Hérault, paru découpé en trois tomes dans les années 1980 avant d'être réédité en un seul volume par Critic en 2012. Un space opera qui sonne parfois un peu daté, mais n'en aborde pas moins un thème intemporel : la vanité d'un conflit sans fin, dont les combattants ne connaissent pas les enjeux et qui ne profite qu'à des hautes sphères qui veulent toujours plus de puissance et d'argent que leurs voisins. En haut de l'échelle, des dirigeants insensibles, pour qui les soldats ne sont que des ressources sacrifiables. En bas, des bidasses unis par une camaraderie magnifique : ce que ces troufions ne feraient pas pour eux-même, ils le font sans hésiter dès lors qu'il s'agit de sauver leurs frères et soeurs d'arme.

Gurvan est au départ un soldat comme les autres, soigneusement endoctriné et qui ne se pose pas de question. Peu à peu, interpellé par les incohérences dans le discours officiel, il va se trouver tiraillé entre sa loyauté à son camp, et sa fidélité à ses compagnons. Un simple humain, pris dans un système inhumain.

Les dessins sont réalistes et précis, mais un peu impersonnels. Les dessins des personnages ne me séduisent pas, souvent trop grimaçants et avec des sourcils trop marqués (la plupart du temps, ils sont noirs, même pour les personnages blonds ou roux). Par contre, les scènes dans l'espace sont très sympa, mêlant vaisseaux spatiaux et explosions sur champ d'étoiles dans des combats souvent spectaculaires.

Un space-opera au propos antimilitariste, plutôt classique et convenu mais qui pourra plaire à un large public.