Les Chroniques de l'Imaginaire

1964-1979 (Nouvelles - 2) - Herbert, Frank

Ce deuxième tome des Nouvelles de Frank Herbert rassemble vingt textes parus entre 1964 et 1979, ainsi qu'un vingt-et-unième resté inédit du vivant de son auteur et finalement publié en 2014. Si le premier volume montrait un écrivain qui apprenait les ficelles de son métier et se focalisait peu à peu sur ses thèmes de prédilection, ce livre-ci nous présente un Herbert plus expérimenté et fort du succès de Dune (1965).

Dans l'ensemble, les textes réunis ici sont donc supérieurs à ceux de Nouvelles, tome 1. Certains souffrent toujours de personnages trop mal caractérisés ou de dialogues peu fluides, surtout quand où Herbert enfile ses gros sabots pour faire passer ses idées politiques bien libertariennes. Le comité du tout (1965) en constitue un bon exemple avec son pitch à faire baver d'envie les membres les plus acharnés de la NRA (grosso modo « la société irait mieux si tout le monde disposait d'armes capables d'anéantir une ville entière »). Le pire, c'est qu'il sait être bien plus subtil que ça quand il veut, par exemple avec Les esclaves du Vert (également 1965) qui réussit à transmettre un message écologique bien plus efficacement avec bien moins de rentre-dedans.

Ce sont les nouvelles les plus longues qui permettent à Herbert de laisser au mieux libre cours à son imagination. Celles que j'ai préféré mettent en scène des extra-terrestres particulièrement marquants : les Slorins des Marrons du feu (1967), métamorphes patients perdus sur une Terre incompréhensible pour eux ; le Tegas/Bacit de Meurtre vital (1970), créature bondissant d'un hôte à l'autre au moment de leur mort ; les Alexii et les Delfans d'Allons à la fête (1978), avec leur symbiose violente déréglée par l'irruption d'explorateurs humains. Cette dernière est l'un des rares cas où les tentatives d'humour de Herbert font mouche, peut-être grâce à son coauteur F.M. Busby.

J'ai aussi particulièrement apprécié les textes qui n'essaient pas d'être drôles ou futés, mais simplement touchants. Passage pour piano (1973) présente une mère prête à remuer ciel et terre pour le bonheur de son fils, tandis que la toute dernière nouvelle, Le ferosslk fortuit (2014), offre elle aussi un portrait finement brossé d'une famille, nettement plus dysfonctionnelle cette fois.

Dans l'ensemble, il ne me semble que justice qu'on se souvienne de Frank Herbert pour ses romans plutôt que pour ses textes courts, car il fait visiblement partie de ces auteurs qui ont besoin d'espace pour déployer toute l'étendue de leur imagination. L'intégrale de ses nouvelles ici proposée me semble à réserver à un lectorat particulièrement friand de son œuvre, de ses thèmes et de la manière dont il les traite. Pour les autres, une sélection soigneusement choisie de ses meilleurs récits courts serait plus appropriée.