Roz, informaticien un peu paumé, travaille à bord de l'ari-me, un vaisseau interstellaire ayant pour mission d'ensemencer des planètes extra-solaires susceptibles d'accueillir la vie. L'humanité aurait bien besoin d'une telle issue de secours, car sur Terre, le climat détraqué a rendu une grande partie des terres complètement invivables, tandis que les enfants, de plus en plus rares, souffrent quasiment tous de graves problèmes respiratoires à cause de la pollution.
Ces problèmes n'en sont pas pour les bots qui prolifèrent. Les progrès dans le domaine de l'intelligence artificielle ont donné naissance à ces êtres de synthèse, doués de conscience, qui jouent un rôle de plus en plus important dans la société terrienne. Parmi ces bots se trouve Asha, chercheuse dont la thèse porte sur la psychologie de ses congénères.
A priori, rien ne semble pouvoir rapprocher Roz et Asha, qui ne se connaissent pas et sont éloignés de plusieurs années-lumière. Des événements inattendus vont pourtant les amener à collaborer pour assurer la survie de l'équipage d'ari-me, confronté à l'émergence d'une mystérieuse séquence baptisée Aardtman dans le code de l'intelligence artificielle en charge du vaisseau…
La séquence Aardtman est un roman construit autour de deux grands fils narratifs. Il alterne régulièrement entre les histoires de Roz et d'Asha. La première est une sorte de huis clos cosmique, tandis que l'autre relève davantage de la chronique sociale. Les deux bénéficient d'une galerie de personnages particulièrement soignés et crédibles qu'il est plaisant de voir évoluer dans la version assez pessimiste du futur imaginée par Saul Pandelakis, entre crise climatique, déclin démographique et perte de sens généralisée. Plusieurs interludes adoptent le point de vue d'autres individus pour éclairer la manière dont le monde en est arrivé là. Les liens à tisser avec l'actualité sont nombreux, des affres du capitalisme au dévoiement des nouvelles technologies en passant par les luttes des personnes trans (auxquelles appartiennent les deux protagonistes).
Comme souvent avec les livres qui changent fréquemment de point de vue, j'ai eu du mal à rentrer dans La séquence Aardtman, d'autant que c'est aussi le genre de livre à vous plonger brutalement dans son univers imaginaire, sans vous tenir la main, en comptant sur votre intelligence pour acquérir son vocabulaire et ses conventions. Je ne regrette pas de m'être accroché, parce qu'une fois les premières pages franchies, je me suis retrouvé plongé dans une fresque passionnante que je n'ai pas pu lâcher avant la dernière page. L'intrigue présente une tension savamment distillée, mais ce n'est pas forcément le suspense qui donne envie de poursuivre la lecture, plutôt la crédibilité des personnages et de leurs réactions.
La séquence Aardtman est de ces livres rares qu'on ne peut s'empêcher de dévorer tout en souhaitant qu'ils ne finissent jamais, tant les mondes qu'ils développent et les personnages qui les peuplent sont fascinants. C'est une brillante réussite.