Hayat n’a que quinze ans en 2000 quand elle est mariée de force à son cousin Mounir. La jeune fille, dont le père vient de mourir, a grandi à Alep, en Syrie. Quatrième fille d’une famille nombreuse, elle a vu ses sœurs ainées être elles aussi mariées à des cousins de la famille. En effet, dans leur communauté, les Doms (une minorité ethnique syrienne, issus de nomades commerçants), on se mêle peu aux autres communautés et les mariages sont toujours arrangés.
Le mari d’Hayat a dix ans de plus qu’elle et elle découvre très vite qu’en plus d’être un joueur compulsif qui ramène peu d’argent à la maison, c’est un lâche qui, un jour, perd leur maison au jeu et s’enfuit en Libye pour éviter d’affronter sa femme et ses débiteurs. Au début il refuse même qu’elle travaille, mais elle se rebiffe et devient couturière dans un petit atelier afin d’arrondir leurs fins de moi et, une fois son mari enfui, pouvoir simplement survivre et ne pas mourir de faim.
En 2011 débute le printemps arabe et, épargné au début des affrontements, Alep se retrouve sous les bombes en 2012, puis divisé en quartiers dans lesquels il est compliqué de circuler. En juillet 2015, Hayat décide de quitter la Syrie pour retrouver sa famille en Belgique. Commence alors pour la jeune femme et ses trois enfants un périple à travers toute l’Europe avec tous les dangers que comporte un tel voyage : faim, froid, fatigue, rien ne leur sera épargné avant d'enfin arriver à Bruxelles.
Je n’ai découvert qu’à la fin de l’histoire qu’Hayat n’existait pas. En effet, le personnage d’Hayat est composé d’un condensé des histoires qu’a recueillies Manal Halil, une travailleuse sociale bruxelloise d’origine syrienne, au cours de ses rencontres avec la communauté Doms. C’est un patchwork de toutes ces femmes qui ont subi cette guerre et qui rêvaient de retrouver leur famille ailleurs que dans un pays dévasté.
Mais l’histoire reste prenante et surtout touchante. Cette femme a tout quitté pour sauver ses enfants et traversé un monde qu’elle ne connaissait pas pour rejoindre sa famille dans une Europe inconnue, elle qui ne sait même pas lire une carte. Elle a suivi le flot des gens qui avançaient, elle a souffert avec eux, pour arriver dans un pays prêt à les accueillir.
Bien sûr, les dernières pages nous montrent que tout n’est pas toujours rose dans son pays d’adoption, mais il y a quand même un message d’espoir. Celui de pouvoir enfin vivre loin de la guerre et de voir grandir ses enfants.