Les Chroniques de l'Imaginaire

Le jardin quantique (L'évolution quantique - 2) - Künsken, Derek

Belisarius Arjona a reçu en paiement de ses services une vedette à inflatons à la pointe de la technologie, il est colossalement riche, sa bien-aimée Cassandra Mejia demeure avec lui et ils disposent d'une quantité si monstrueuse de données qu'ils pourraient passer leur vie à les étudier et faire avancer les connaissances sur les trous de ver : le rêve de tous les homo quantus, génétiquement programmés pour la curiosité scientifique. Ce pourrait être le bonheur parfait.

Il y a pourtant un hic : Belisarius est devenu l'homme le plus recherché de l'univers. La Congrégation vénusienne n'a pas digéré qu'il ait aidé la Force expéditionnaire perdue de l'Union subsaharienne à traverser le trou de ver des Fantoches, la mettant en position de se rebeller ouvertement contre sa nation suzeraine. L'Union n'a pas digéré qu'il l'ait doublée et ait volé ses trous de ver jumelés permettant de voyager dans le temps. Ses ennemis sont aussi furieux que puissants. L'arnaqueur ne peut qu'assister, impuissant, à l'atomisation de la Mansarde, l'habitat où vivent l'intégralité des autres homo quantus, un peuple par nature contemplatif et pacifiste.

Impuissant ? Pas si sûr.
"On ne peut pas ouvrir la boîte du chat de Schrödinger, constater qu'il est mort, puis revenir à la superposition d'états quantiques antérieure. Les observations ne peuvent pas ne plus avoir été faites." Mais si Belisarius a vu l'explosion de loin, il n'a pas constaté ses effets. Comme le chat de Schrödinger, les homo quantus ne sont ni morts ni vivants, ou les deux à la fois, tant qu'il n'a pas observé les morts de près. En remontant le temps, il peut encore les sauver puisque seule l'explosion est un fait avéré.

Le jardin quantique enchaîne directement, quelques semaines après les événements finaux de Le magicien quantique. L'auteur ne s'embarrasse pas de répétitions, je vous déconseille donc de lire ce deuxième tome sans avoir préalablement lu le précédent. On entre directement dans le vif du sujet, sans lourde explication sur l'univers, le roman est ainsi dénué des longueurs qui parsemaient le premier roman. Le rythme ne retombe pas, et si les personnages réfléchissent souvent, ils ne se perdent pas dans des réflexions interminables.

Alors que Derek Künsken concentrait son intrigue précédente sur l'ingéniosité d'une arnaque à tiroirs et à grande échelle, il change de registre ici pour mettre en avant le voyage dans le temps et la physique quantique. Que cela ne vous fasse pas peur ! Nul besoin de connaissances scientifiques approfondies pour comprendre l'histoire, vous devez juste avoir déjà entendu parler du paradoxe du grand-père et du chat de Schrödinger, tout reste très fluide et facile à comprendre. L'intrigue est bonne, c'est intelligent et avec une vraie tonalité SF, un vrai plaisir de lecture !

L'auteur n'introduit guère de nouveaux personnages et concentre le récit sur ceux que l'on connait déjà. Belisarius et Ayen Iekanjika - la cheffe d'état major de la Force expéditionnaire de l'Union - vont opérer en duo, sous couverture plusieurs décennies dans le passé, avec l'assistance bien pratique de Saint Matthieu, l'Intelligence Artificielle si douée pour pénétrer les systèmes informatiques protégés. Cassandra et Vincent Stills, le pilote Bâtard, les attendent sagement à l'intérieur du portail temporel, dans un espace à vingt-deux dimensions pour le moins déstabilisant où ils ne sont malheureusement pas seuls. Le récit suit tous les personnages, et notamment Belisarius que sa nature trop curieuse va mener à commettre un acte dont il aura du mal à se remettre (et si cette information a attisé votre propre curiosité, vous n'avez plus qu'à lire le livre !). Lui qui cherchait déjà la rédemption de ses fautes ! Cependant, l'accent est plutôt mis sur Ayen Iekanjika, qui va découvrir des secrets qu'elle aurait préféré ignorer et être confrontée à des choix qui vont bien au-delà de la mission à laquelle elle s'était préparée. C'est un plaisir d'apprendre à connaître de manière plus approfondie ce personnage, qui va devoir remettre en cause les fondations de son existence. 

J'ai également apprécié de découvrir les plantes qui vivent sur la planète Nyanga, et tout ce qui tourne autour et qui est pour moi étonnant et très bien trouvé, mais là encore je vous laisse la surprise.
Ha oui, et j'ai aussi enrichi ma culture d'un juron québécois pas forcément facile à replacer.
Tant que j'y suis, je vous livre également une phrase qui m'a beaucoup plu : "Je suis le chat dans la boîte encore fermée."

J'avais bien aimé le premier volume, mais j'ai adoré le deuxième ! Le cycle de l'évolution quantique est prévu comme une tétralogie, avec trois tomes parus actuellement, dont deux seulement sont traduits pour le moment. Même si chaque tome a sa propre fin, j'espère que nous aurons bientôt la chance de découvrir la suite !