La revue commence par une poignée de nouvelles, quatre dans la version papier, six dans l'édition numérique. Pour rappel, les textes bonus présents uniquement dans l'édition numérique sont accessibles gratuitement sur le site de Galaxies SF (pour les numéros récents).
Toutes les ombres du roi d'Andrea Kriz
On suit les traces d'un proche de Jean Moulin, figure charismatique de la Résistance à l'Allemagne nazie. Le narrateur enchaîne les vies dans des lignes temporelles différentes, essayant toujours de faire le maximum pour son héros. C'est bien écrit, mais pas très prenant et j'ai trouvé que la fin tombait un peu à plat.
C.harpie et ses C.haînes, de Perrine Maurel
Une petite intelligence artificielle qui, suite à un bug de création, n'a jamais eu de maître erre librement dans le réseau. Un texte plutôt sympa.
Mortel.le.s, d'Eleonore Sibourg
L'humanité a enfin vaincu la mort : une nouvelle technique permet désormais de ramener à la vie les trépassés, à condition d'agir moins de deux heurs après le décès. Les conséquences à long terme menacent la société, car les gens désormais procrastinent beaucoup : pourquoi se presser quand on a tout son temps ? Une belle nouvelle intelligente et un peu triste.
Provenia, de Hugo van Gaert
Un explorateur, en mission dans une plaine extraterrestre infinie et désolée, entend miauler devant sa tente et découvre une petite créature toute mignonne. Ce qui va lui arriver l'est moins. Un texte très sympa, qui ne peut que plaire aux amoureux des chats comme moi !
Fantômes quantiques, de Pierre-Alexandre Sicart
Thomas est un inventeur chanceux : le cerveau quantique qu'il a breveté l'a rendu riche. Pourtant, lui-même ne sait pas exactement comment cela fonctionne. Cette nouvelle, courte et percutante, est assurément mon coup de cœur de ce numéro.
Interfacé, de Frédéric Meunier
Il est désormais possible d'ingurgiter des connaissances de manière ultra-rapide, directement dans le cerveau. Un seul cours permet de devenir expert en poésie française du XIXème ou en cinéma du XXème. Mais est-ce que manipuler le cerveau ainsi est vraiment sans danger ? L'idée me parlait mais je n'ai pas trouvé ce texte très percutant.
Les Chroniques d'Ukraine nous proposent de découvrir des auteurs passionnants, alors même que leur pays résiste avec détermination à l'invasion russe.
La guerre de la science-fiction, de Sergii Paltsun
Ce texte parle d'une lettre ouverte publiée au début de l'invasion russe de l'Ukraine par des écrivains de science-fiction russes, et soutenant l'invasion. L'auteur s'interroge sur les motivations des signataires.
Une feuille de chou, de Sergii Paltsun
Quand on joue avec des choux génétiquement modifiés... Le texte est court, la chute attendue, mais c'est néanmoins plaisant.
Pastorale, de Yana Dubynianska
Après l'annonce de la guerre, les hommes sont partis et jamais revenus. Toutes leurs épouses se sont retrouvées enceintes au même moment. C'est un texte un peu étrange, dont on ne voit pas trop où il veut nous mener. Il m'a un peu laissée sur ma faim.
Vient ensuite le dossier de ce numéro, réalisé par Patrice Lajoye sur le thème "SF et propagande". Vaste sujet qu'il a choisi d'aborder à travers des exemples.
C'est ainsi que Marguerite Roussarie nous parle dans 1984 de Georges Orwell : la force des mots d'un grand classique qu'il n'est plus besoin de présenter, mais qui reste une référence en matière d'utilisation de la propagande.
Dans Propagande et SF en Russie, Patrice Lajoye et Sergueï Sobolev abordent le cas de la revue littéraire Oeuvres et opinions, avec notamment son numéro raté de mai 1968 spécialement consacré à la SF, puis détaillent le contenu du roman d'anticipation Le troisième Empire de Mikhaïl Iouriev, une utopie russe qui fait grincer des dents.
On s'intéresse ensuite au projet Red Team Defense lancé en 2019, dans La SF au service de l'armée ? Que penser de la Red Team, avec des pour/contre écrits par Gulzar P. Joby et Laurent Gideon. Il s'agit d'un programme classifié mettant en relation des auteurs de SF et des experts scientifiques et militaires pour imaginer les menaces futures visant la France. La partie visible des travaux produits consiste en scénarios rendus publics.
Rebelote avec le projet La propagande du luxe : Rêver 2074, anthologie de commande initiée par le lobby du luxe en 2014. Ce sont Amélie Ferrando et Philippe Caza qui nous font découvrir leurs pour/contre. Il s'agit visiblement d'un projet de grande envergure, mais je n'en avais personnellement jamais entendu parler.
(A noter que le dossier souffre par endroits d'une relecture trop rapide, avec quelques petites fautes par-ci par-là)
Deux nouvelles complètent le dossier.
Un dimanche en Camembrie, de Philippe Caza
Les habitants de Fr... Camembrie mangent tous les jours leur camembert obligé, accompagné de grorougequitache obligé. Ils ne sortent que coiffés de leur béret obligé et ne pratiquent que les activités autorisées par le popouvoir, le tout sous l'oeil omniprésent des caméras gouvernementales : "MARCELINE T'A L'OEIL". On a supprimé du vocabulaire les mots longs, compliqués ou étrangers, et supprimé également la grammaire, rendant ainsi la povlangue facile d'emploi. Bref, la Camembrie est un pays qui rappelle furieusement celui de 1984, chauvinisme bien français (alerte ! mot nonpermis = amende 50 ronds) en plus. L'auteur le brosse avec beaucoup d'humour, ce qui en fait un texte agréable à lire à défaut d'en faire un avenir réjouissant.
Pédalez et soyez heureux, de Cristian Mihail Teodorescu
Tous les jours, S. prend sa Nourriture qui le rend heureux, et pédale pour produire de l'énergie. Il est heureux, tant qu'il pédale. Un petit coup de drogue pour mieux faire passer, et hop on abrutit les foules. Encore un texte bien pessimiste...
La revue enchaîne ensuite avec les rubriques régulières : musique (focus sur le groupe Elend), biographie d'un auteur du Fleuve Noir (ici Paul Béra) et très nombreuses critiques de livres, BD et films.
