Les Spectres : que sont-ils, d'où viennent-ils, que veulent-ils ? Nul ne le sait dans la bonne ville de Tinkleham. La seule certitude à leur sujet, c'est qu'il faut les éviter à tout prix, car le simple fait de les toucher est synonyme d'anéantissement. Perdue dans les brumes, Tinkleham aurait depuis longtemps succombé à leurs assauts sans les magiciennes et magiciens qui, du haut de leur Beffroi, chantent à l'unisson de leurs cloches et carillons, produisant une musique qui est la seule chose capable de repousser les Spectres. C'est loin d'être le seul pouvoir à leur disposition, mais c'est certainement le plus important.
Ermeline Mainterre vient d'avoir dix-huit ans. Fille d'un inventeur des faubourgs de Tinkleham, elle est persuadée d'être appelée à un grand destin. Elle en est sûre : un jour, elle sera la plus grande magicienne que le monde ait connu. Ayant réussi les examens d'entrée, elle se rend au Beffroi pour commencer à y étudier la magie sous toutes ses formes. Et ce ne sera pas une partie de plaisir pour la jeune fille ! Entre les cours bien plus difficiles que ce à quoi elle s'attendait, ses relations amicales et amoureuses tourmentées et le fait qu'on cherche semble-t-il à l'assassiner, Ermeline va avoir du pain sur la planche...
À voir ce résumé, on pourrait facilement penser que Le silence des carillons n'est qu'un énième roman young adult écrit sous l'influence de la saga Harry Potter. On y retrouve tous les poncifs du genre, avec une jeune fille forte tête au prénom baroque en guise d’héroïne, une école de magie aussi vieille que mystérieuse en guise de cadre, et une intrigue qui balance entre les soucis ordinaires d'une adolescente moyenne (peines de cœur, difficultés scolaires) et une menace existentielle contre laquelle elle devra lutter à son corps défendant.
Néanmoins, ce n'est pas du tout dans cette optique-là que se place Edouard H. Blaes. En fait, on dirait plutôt que son objectif est plus de déconstruire les clichés que de les reprendre au premier degré. Ermeline est tellement persuadée de sa propre importance qu'elle en devient positivement insupportable d'égocentrisme malvenu, d'autant que la narration à la première personne ne nous épargne aucun de ses états d'âme. Perpétuellement frustrée que le monde refuse de la reconnaître à sa juste valeur, elle n'interrompt ses crises de colère que pour se morfondre de désespoir, ce qui n'aide aucunement à la rendre plus sympathique. Les décisions qu'elle prend tout au long du récit sont souvent mauvaises et elle doit en subir les conséquences, ce qui pourrait être cathartique si ces conséquences ne s'abattaient pas aussi sur d'autres gens qui n'avaient rien demandé, de manière souvent très brutale et irréversible.
L'intrigue aussi se joue des attentes du lectorat. En effet, l'aspect « école de magie » disparaît complètement à mi-chemin du livre et le reste se lit davantage comme du survival horror, dans une ville où les Spectres ont quartier libre et où les humains tombent comme des mouches. S'il surprend, ce changement de rythme ne permet pas vraiment de se sentir plus investi dans les pérégrinations d'une Ermeline toujours aussi tête à claques, convaincue que la fin justifie les moyens et prête aux pires bassesses pour atteindre ses objectifs. J'en suis arrivé à me demander si c'était vraiment l'intention de l'auteur de créer une protagoniste aussi antipathique.
C'est ainsi que malgré d'indéniables qualités narratives et stylistiques, je n'ai pas vraiment apprécié Le silence des carillons. Vous y trouverez peut-être votre compte si les histoires de magie et de mystère vous enchantent : il vous suffira de lire les premières pages pour savoir si Ermeline Mainterre vous horripilera autant que moi.