Les Chroniques de l'Imaginaire

L'art du naufrage (Le Royaume de Pierre-d'Angle - 1) - Quiviger, Pascale

Alors que le prince Thibault fait escale sur le chemin du retour après deux ans passés à sillonner les mers, une passagère clandestine se glisse à bord. Embauchée comme mousse surnuméraire, elle trouve sa place dans l'équipage, qui peu à peu oublie qu'elle est une femme. Jusqu'au moment où Thibault a besoin d'une cavalière pour un bal officiel, et n'a guère d'autre solution que de l'inviter, alors même que son conseiller, l'amiral Dorec, trouve que c'est une très mauvaise idée.

C'est lors de sa dernière escale avant son arrivée à Pierre-d'Angle qu'il apprend que son père, le roi Albéric, a trouvé la mort subitement trois jours plus tôt, et que si Thibault manque à revenir dans le royaume pour prendre la couronne sous neuf jours, c'est son frère cadet, Jacquard, qui sera couronné. Le problème est qu'il est à dix jours de mer du port, et que Jacquard, égoïste et cruel, ferait un roi détestable. Aussi va-t'il toucher terre au pire endroit de l'île, avant de traîner son navire quasi éventré jusqu'au port. Et c'est ainsi que la belle Ema va commencer à découvrire les terribles secrets de ce royaume apparemment idyllique.

Ce roman au rythme vif est intrigant de plusieurs façons. Il ressemble au départ à une aventure maritime : une expédition de longue durée qui a soudé l'équipage autour d'un héritier du trône peu pressé de l'occuper. Le premier indice d'appartenance à la fantasy apparaît au moment de la rencontre entre Thibault et Ema, avant de s'accumuler. L'autrice a su créer un univers de fantasy discrète et proche du rêve réaliste, si j'ose cet oxymore. Les éléments végétaux et matériels semblent avoir une forme de sentience, suffisamment en tout cas pour avoir des projets bien à eux, qui parfois favorisent le héros et parfois l'entravent.

Le ton du récit est également particulier, avec une sorte d'ironie légère dans la façon dont l'histoire est racontée, comme un récit légendaire autour du feu à la veillée. Même s'il s'assombrit au fur et à mesure, et surtout vers la fin, il est facile de discerner pourquoi il est d'abord paru dans une édition plutôt destinée à la jeunesse.

Les personnages sont l'un des points forts : même si les deux personnages principaux sont relativement peu originaux, ce qui pour le coup laisse beaucoup de place à leur évolution future dans les romans suivants, il faudrait quasiment citer tous les personnages secondaires, extrêmement détaillés et individualisés, jusque et y compris Epinal, pour ne parler que de lui, dont l'apparition tardive est marquante.

La couverture d'Aurélien Police est superbe tout en reprenant parfaitement les éléments essentiels du roman.

En somme, j'ai passé un excellent moment en lisant cette histoire, et j'espère vraiment que l'éditeur publiera les trois romans suivants. Je ne peux qu'en recommander la lecture, car elle devrait plaire aux adolescents et aux jeunes adultes tout en étant appréciée de leurs aînés de tous âges.