Paris, lors de la grande crue de 1910. La Seine a envahi les rues et les eaux transportent aussi bien des barques que des détritus. Sans oublier les rats et les cadavres, parfois. Ange Leca est journaliste, et alors qu’il quitte les bras de sa maîtresse il tombe dans l’eau et est recueilli par une barque des pompiers de Paris, où se trouve aussi un corps repêché. Curieux de nature, il accompagne les pompiers jusqu’à la faculté de médecine de Paris où le médecin légiste vient d’ouvrir une valise contenant le buste d’une femme décapitée et démembrée. Il ne lui reste qu’un bras, ses seins ont été découpés et elle était enceinte de quelques semaines.
Intrigué par ce mystère, Ange décide d’enquêter sur cette mystérieuse morte, mais quand il propose l’enquête à son rédacteur en chef et propriétaire du journal où il travaille, celui-ci lui reproche d’avoir encore bu et le vire sans ménagement. Le jeune homme se retrouve donc sans travail, et seulement accompagné de Clémenceau, son chien.
Mais il est toujours bien décidé à retrouver l’identité de la jeune femme morte et pourquoi pas celle de son assassin.
Je dois avouer que j’ai passé un excellement moment avec cette BD. L’histoire, une enquête criminelle dans un Paris recouvert par les eaux, est vraiment bien menée, avec sa dose de rebondissements et d’indices, tout en faisant la part belle au personnage principal, Ange Leca. En effet, on découvre au fur et à mesure l’histoire du jeune homme, comment il a pu arriver à Paris, venu tout droit de sa Corse natale et comment il est tombé dans les bras d’Emma, une jeune actrice déjà mariée.
L’omniprésence de Clémenceau à ses côtés donne un côté encore plus réaliste aux scènes qu’on découvre tout au long du livre, et c’est aussi grâce à lui qu’Ange se pose certaines questions pendant son enquête. Ce chien a d’ailleurs une tête terrible, et je trouve que graphiquement parlant, il est beaucoup plus réussi que les humains (qui ne sont pas moches hein, mais le chien est clairement plus réussi !).
Il n’y a pas que Clémenceau qui m’a bluffé au niveau de son dessin, mais tout l’ensemble des rues de Paris, des bâtiments, des cabarets et de l’atmosphère globale qui se dégage des pages. Le gris des rues parisiennes sous la pluie, mais aussi le phare lumineux constitué par le Moulin Rouge, quasiment au milieu d’une planche, qui attire irrésistiblement l’œil, sans oublier L’Enfer ou encore les théâtres et leurs loges.
Victor Lepointe avoue d’ailleurs qu’il adore cette période de l’histoire et il l’a magnifiquement rendue à travers ses dessins. Les lignes architecturales sont soignées et on reconnait très facilement les bâtiments qu’on découvre au fil des pages. On voit aussi que la documentation a été importante, par exemple avec La Samaritaine qui n’était pas, à l’époque, qu’un seul grand magasin tel qu’on peut le connaître à l’heure actuelle.
À la fin du tome, quelques informations complémentaires sont données pour mieux expliquer le Paris de 1910. Et en les lisant, on se rend compte que plusieurs de ces informations sont disséminées au cours du récit, avec pas mal de subtilité et j'ai trouvé cela très bien amené.
J’ai donc passé un très bon moment avec cette BD, au point de regretter qu’elle ne soit qu’un one shot. Mais après réflexion, je préfère un très bon tome comme celui-ci, plutôt qu’une série moyenne. Ici on a une intrigue bien ficelée avec des personnages intéressants, une enquête bien menée cohérentes avec les moyens de l’époque, et surtout une ville entière qui devient une merveilleuse toile de fond qu’on aimerait explorer telle qu’elle devait être à l’époque. Bref, une réussite.