Ce numéro 34 de la revue GandahaR est le deuxième, après son numéro 8, a être consacré à l'auteur américain Robert Franklin Young (1915-1982).
Commençons par saluer le travail réalisé par Jean-Pierre Fontana pour faire connaître l’œuvre de cet auteur. Car si les connaisseurs pourront se réjouir d'y trouver des traductions inédites et révisées de certaines de ses nouvelles par Jennifer Jaffreux, Georges Bormand et Jean-Pierre Fontana, les lecteurs francophones ne le connaissant pas pourront le découvrir en toute simplicité. Je dois avouer que j'appartenais à cette deuxième catégorie avant de me plonger dans ce numéro : je n'avais jamais entendu parler de Robert Franklin Young. Au vu de ses dates de naissance et de mort, je m'attendais à lire de la SF à la grand-papa, pleine d'action, un peu aride et rétrograde. J'avais évidemment faux sur toute la ligne. Et je me permets donc de faire référence à ce préjugé pour qu'il n'arrête pas d'autres futurs lecteurs. En lieu et place d'un style stérile et truffé d'action, j'ai découvert une prose bien poétique et emplie d'humour. Mais passons à la description des nouvelles en tant que telles !
Le pêcheur d'étoiles n'est peut-être pas la nouvelle par laquelle j'aurais commencé le numéro car, malgré la poésie de son titre et de certains de ses passages, elle ressemble de près à ce que je redoutais d'y trouver... mais il semble en réalité qu'il s'agisse plutôt d'une critique du héros typique de SF des années 50. On y suit Christopher Stark, un homme du futur un peu trop imbu de sa personne. Un jour qu'il pêche des étoiles dans les tréfonds de la galaxie, il prend un vieil homme dans ses filets. Dans la poche de ce vieil homme se trouve la photographie d'une jeune fille dont la beauté le fascine à tel point qu'il se persuade qu'elle est son âme sœur et part à sa recherche.
C'est la deuxième nouvelle, Chambre avec vue, qui a pleinement dissipé mes a priori. Une ville de cristal désertée y couvre la totalité d'une planète. Le protagoniste erre dans ses rues avant de s'aventurer dans un bâtiment pour tenter de comprendre où et comment ont pu disparaître ses habitants. Une fable à la conclusion plus que jamais d'actualité !
Pour l'amatrice de fantastique que je suis, Victime de l'année était une très bonne surprise. Pleine de mystère, de personnages attachants et de bons sentiments, on prend plaisir à s'y plonger et on n'en ressort qu'à regret. Harold Knowles, le protagoniste, est dans une mauvaise passe après avoir perdu son emploi, son logement, sa voiture... Il cherche désespérément un emploi mais les recruteurs vont jusqu'à oublier qu'ils avaient convenu d'un rendez-vous. Un jour, l'employée du comptoir des réclamations auquel il se rend pour ses recherches d'emploi lui fait passer un petit mot : « C'est Halloween ce soir et vous serez bientôt en grand danger. Je suis une sorcière et je sais de quoi je parle. »
Le fils du Robot renoue avec la SF mais cette fois à la sauce biblique. Les réflexions sur la religion ne sont pas ma tasse de thé mais elles ont leurs fans. Dans cette nouvelle, située dans un futur indéterminé, les machines travaillent à la place des humains et le climat est régulé par le Dieu Tech. Ce dernier réactive soudainement le cycle des saisons. Maindacier et une déesse tech vont tâcher de découvrir pourquoi.
Retour au présent, ou plutôt au milieu du XXe siècle avec le Médecin dans la Jungle. Une jeune extraterrestre appelée à prendre ses fonctions de médecin pour la première fois se trompe dans ses coordonnées de transit et aboutit sur Terre. Elle est recueillie par un homme rongé par le décès de sa femme. Cette nouvelle alterne les moments amusants, notamment grâce au point de vue de la jeune extraterrestre, et plus glaçants quand il s'agit de l'état dépressif de son personnage masculin. Ce dernier étant amateur de poésie, le texte est également émaillé de vers.
Dans De plus belles demeures, l'humanité a construit sa définition du bonheur sur la possession. Kathy, une institutrice, survit comme elle peut et prend plaisir à donner cours à ses rares élèves. Un jour, elle rencontre deux hommes bien différents. Le premier est un « Thoreau », un homme se réclamant de la philosophie de vie du grand auteur américain du XIXe siècle et vivant donc en harmonie avec la nature, dans une grande simplicité. Le second est le fils du plus grand propriétaire de la ville et n'attend pas pour lui demander un rendez-vous. Robert F. Young n'est pas très subtil dans cette nouvelle car on sait d'emblée vers qui son cœur balance et donc qui la protagoniste se devrait de choisir. Qu'importe ! On passe un très bon moment et la plume est exquise.
Prisonniers sur Terre est peut-être la compagne amère et plus défaitiste de la nouvelle précédente. C'est une nouvelle puissante mais à la conclusion fort sombre. Un homme y recherche sa femme, dont il a acheté la main, de planète isolée en planète isolée. Il ne comprend pas l'amour de la poésie et le besoin d'une vie simple au contact de la nature éprouvés par son épouse. Il arrive dans un vrai piège à touristes, une planète où la culture terrienne a été totalement absorbée par les habitants et où la couleur locale n'est présente que pour être monnayée à prix fort.
Heureusement, Une pomme pour la maîtresse a de quoi redonner le sourire au lecteur ! A nouveau sur Terre, sans doute au XXe siècle, une maîtresse corrige les copies de ses jeunes élèves. L'une d'elle attire son attention. Plutôt que de décrire ses vacances d'été, le garçonnet fait référence à une autre planète. Et le papier sur lequel il a écrit présente une étrange image holographique. Curieuse, l'enseignante se rend au domicile des parents de l'enfant mais le comportement pour le moins suspect de cette famille ne fait qu'aiguiser son intérêt pour ce mystère. Encore une fois, voilà des personnages dont on aurait apprécié de suivre les aventures plus longtemps.
Pour qui n'avait pas encore compris l'amour de Robert Franklin Young pour la poésie, Emily et les bardes sublimes enfoncera le clou. Emily, conservatrice adjointe, préposée à la salle des Poètes, y met au point une méthode ingénieuse pour concilier les demandes du public et des financiers d'une part et la sauvegarde du patrimoine littéraire et ses amis poètes robotiques d'autre part.
La petite école rouge nous donne un aperçu sinistre d'une éducation déléguée à travers l'aventure poignante d'un petit garçon cherchant à rentrer chez lui. Il est délicat d'en dire plus sans en gâcher l'élément de surprise.
Enfin, la dernière nouvelle, Poêle volante, renoue avec un ton plus léger. Marianne Summers a quitté sa campagne natale pour la grande ville où elle travaille toute la journée dans une usine de poêle à frire. Ses jours s'enchaînent les uns après les autres, aussi mornes que son travail à la chaîne... jusqu'à ce soir où une poêle à frire volante se pose devant chez elle et où un extraterrestre prétendant vouloir bombarder la Terre en sort. Un récit truculent, à la frontière de la SF et du fantastique.
Côté illustrations, j'ai beaucoup apprécié celle de couverture réalisée par Christophe Vacher même si on pourra regretter qu'elle soit un peu pixelisée. A l'intérieur de la revue, des illustrations, je crois toutes de Christine Brignon, viennent accompagner certaines des nouvelles et accroître encore à mon sens le plaisir de parcourir ce numéro.
Vous l'aurez compris, je ressors ravie de ma lecture et je compte bien lire d'autres nouvelles et ouvrages de l'auteur. Le pari est donc réussi pour l'équipe de GandahaR ! Je ne peux qu'à mon tour vous recommander de découvrir l’œuvre de Robert Franklin Young. Outre ce numéro 34, le numéro 8 de GandahaR qui lui est également consacré est à nouveau en vente.