Anton Torvath est né peu après la Première Guerre Mondiale, dans les steppes kirghizes, au sein d'une petite kumpania : le cirque Torvath. Anton est un fils du vent, un tzigane, qui traverse les pays avec son clan pour poser son chapiteau un peu partout là où ils ont toujours montré leur spectacle. Svetan, son père, a fait un rêve à sa naissance : Anton sera un grand dresseur de chevaux qui parcourra de nombreux pays mais il sera seul, sans sa famille. Et ça, Svetan ne le comprend pas. Anton grandit au sein de cette troupe, il est différent, il sait lire et a des dons pour apprendre et appréhender le monde et les gens autour de lui. Cette vie insouciante, libre et sans frontière va petit à petit changer, leur liberté se restreindre et le bruit des bottes commencer à se faire entendre. Jag, un membre de la troupe, va alors lui faire découvrir la vie et l'éduquer pour faire face aux sombres présages d'un monde qui va basculer dans la folie et l'horreur.
On va ainsi suivre Anton, voir sa vie et sa famille se retrouver dans un monde en guerre où les juifs et les tziganes sont pourchassés et parqués dans des ghettos.
Ce roman est magnifique, sombre et lumineux à la fois. Au milieu de cette noirceur ambiante, quelques personnages donnent un peu de lumière et d'espoir au récit. On y côtoie la folie meurtrière des hommes mais aussi d'autres hommes capables de sagesse, de bonté et qui se sacrifient pour que d'autres puissent survivre. C'est souvent poétique même dans les moments les plus sombres.
Le personnage d'Anton est attachant, il traverse des instants cruels, sombre au bord de la folie et du désespoir mais garde toujours au fond de lui une étincelle de vie car il est la mémoire de sa famille et des personnes qu'il rencontre. C'est un survivant qui va tout faire pour vivre avec un lourd fardeau sur les épaules mais aussi un combattant qui va lutter pour sauver son âme et toutes les âmes de ceux qu'il a côtoyés. Les personnages secondaires sont extraordinaires, apportant parfois de la joie dans les moments les plus terribles, chacun ayant un rôle prépondérant dans la vie d'Anton. Jag et Simon, dans des rôles différents, sont deux points d'ancrage pour notre héros qui vont l'aider à se construire et se re-construire.
Dans ce livre, il est aussi question de transmission de la mémoire orale d'un peuple qui, si on oublie les noms et les vies, disparaîtra de la surface du monde. Non seulement Anton doit survivre pour lui mais il le doit aussi pour sa famille, ses ancêtres et son peuple.
Le héros de ce récit va essayer de traverser la guerre sans encombre mais il va aussi, au sortir de celle-ci, tenter de se reconstruire et s'imaginer une nouvelle vie dans un monde en constante évolution et qui va laisser de moins en moins de liberté à des nomades sans attaches. C'est la disparition d'un mode de vie qui nous est contée, la fin d'un monde ancien et le début d'un nouveau monde qui laissera de côté beaucoup de gens qui ne correspondent pas à la normalité.
Alain Mascaro permet de nous faire re-découvrir le triste sort des tziganes pendant la guerre, de ce peuple qui s'est vu disparaître par familles entières sans laisser aucune trace dans les mémoires. Grâce à ce roman, j'ai découvert un mode de vie, des traditions et une culture différentes allant à l'encontre des a priori que l'on peut avoir.
À la fin de cette lecture, c'est l'émotion qui prime, j'ai été transporté par cette histoire de quête de liberté, de transmission de traditions et de mémoire. Cela nous interroge aussi sur la notion de liberté et de bonheur, sur l'évolution de notre société et de nos besoins. C'est une très belle découverte !