Les Chroniques de l'Imaginaire

Ushijima, l'usurier de l'ombre (Ushijima, l'usurier de l'ombre - 1) - Manabe, Shôhei

Vous avez de gros soucis d'argent ? Vos finances sont dans un tel état que tous les organismes de crédit refusent vos demandes de prêt ? N'ayez crainte, Buy Buy Finance est là pour vous tirer des mauvais pas ! Notre directeur, monsieur Ushijima, est toujours prêt à vous recevoir pour étudier avec vous la meilleure manière de vous remettre à flot. Alors, certes, ses taux d'intérêt sont monstrueux et il n'hésitera pas à vous contraindre à la prostitution ou à vous casser les dents si vous ne le remboursez pas en temps et en heure, mais ce n'est pas comme si vous aviez le choix, pas vrai ? Après tout, si vous êtes dans cette situation, vous ne pouvez vous en prendre qu'à vous-même...

Ushijima, l'usurier de l'ombre est une plongée dans le monde des yamikin, ces usuriers japonais aux méthodes parfaitement illégales, qui travaillent en cheville avec les yakuza et s'engraissent sur le dos des victimes de surendettement. C'est un univers sordide à souhait, dans lequel personne ne trouve grâce aux yeux du personnage principal. Ushijima est une belle ordure complètement dépourvue de scrupules, au regard perpétuellement indéchiffrable, dont le seul signe d'humanité est une étonnante passion pour l'élevage de lapins. On le découvre à travers les yeux de Takada, un nouveau venu dans le milieu, prétexte idéal pour en introduire les tenants et aboutissants de manière fluide et naturelle.

Ce premier tome de la série se compose de plusieurs récits distincts qui présentent les différents aspects du business des usuriers. Tout commence par l'accueil tout sourire des nouveaux clients, jusqu'à la signature de la reconnaissance de dette qui marque le début de la spirale infernale. Nul n'y échappe et nul n'en ressort indemne, que ce soit physiquement ou mentalement. Shôhei Manabe n'épargne rien à ses personnages et son dessin, un peu trop rigide à mon goût sur les rares scènes d'action, est à son meilleur lorsqu'il s'agit de traduire graphiquement le désespoir et la déchéance complète des victimes d'Ushijima.

Inutile de préciser que les thèmes abordés par ce manga (drogue, prostitution, violence...) et la manière dont il les aborde, très crue et sur un ton au bord du nihilisme, le réservent à un public averti. Si vous en faites partie, vous aurez ici une vision du Japon très marquante et bien éloignée des clichés, celle des bas-fonds d'une société obsédée par l'argent, dans laquelle tout s'achète, se vend... et se paie.