Les Chroniques de l'Imaginaire

Evolutions(s) - Collectif

Les éditions Blogger de Loire nous proposent ici une anthologie sur le thème de l'évolution. L'évolution permet de s'adapter progressivement, patiemment, à l'environnement. Douze auteurs sont au programme et ont choisi d'explorer le thème chacun à sa façon.

C'est Philippe Caza qui ouvre le bal avec Nous les Mutos. Les plus riches habitants de notre Terre, devenus Immortels, se sont enterrés dans de gigantesques pyramides isolées de l'extérieur, et ne communiquent plus que par écrans interposés pour demander aux Mutos qui vivent dehors d'entretenir les panneaux solaires qui les alimentent en électricité. Les années passent, les siècles, les millénaires. Les générations successives de Mutos mutent et s'adaptent au climat qui change, tandis que les pyramides restent inaltérées. On est en plein dans le thème, mais j'ai trouvé le texte trop prévisible.

Dans Le tombeau d'Edison, Maxime Herbaut nous liste de manière très détaillée toutes les inventions connues ou méconnues du grand inventeur. C'est plus fatigant qu'autre chose, et les inventions imaginaires plus ou moins farfelues n'arrivent pas à nous sauver de la lassitude.

Nicolas Duval nous invite dans un Paradis dystopique dans Sanglichonne. Alors que les humains y sont surveillés de très près, un confessé partage un secret avec sa Confidente. La forme - des messages échangés par les protagonistes - est intéressante et l'idée plutôt sympa.

Vagues de Christophe Kauffman nous raconte sous forme de souvenirs comment sont apparues les vagues de tristesse portées par la pluie, suite à l'évolution du climat. Un beau récit, et une belle chute pour la nouvelle.

Le jour des fleurs de Gillian Brousse est un récit domestique où un père célèbre un triste anniversaire avec sa fille. On se demande un peu où on va... jusqu'à la fin étrange et inattendue.

Dans Ad Tempus de Julie Conseil, la Terre a cessé de tourner sur elle-même. L'humanité a évolué, vivant de lumière sur la face éclairée de la planète. Certains pourtant ont refusé de s'adapter : les Circadiens ont conservé une alternance artificielle de jour et de nuit, et se nourrissent d'un végétal symbiotique nécessaire à leur survie. Circadiens et Sans-Temps vivent sur la même Terre de façon totalement différente, désormais incapables de communiquer entre eux et de se comprendre... Voilà une nouvelle que j'ai beaucoup aimée, mêlant évolution et différence, action et interactions.

Le Chien sera toujours le plus fidèle ami de l'Homme. Quelle chance donc que les travaux génétiques aient permis à ces animaux de devenir plus intelligents, plus ressemblants aux humains que jamais, leur permettant d'aider les hommes grâce à leur amour infini pour leur créateur ! Cédric Teixeira nous livre avec Canis Lupus Familiaris un chouette texte sur l'évolution non des hommes mais des chiens, avec juste ce qu'il faut de mystère entretenu pour que la chute fasse mouche.

Evolution de la société dans Joyeux mortiversaire, qui résonne étrangement avec l'actualité, à l'heure où les Français manifestent contre la réforme des retraites. Amélie Sapin imagine ici que les "vieux" sont euthanasiés à l'âge de soixante ans, cédant ainsi la place aux jeunes. Plus de trou dans les comptes de la Sécurité Sociale, plus de corps décrépits encombrant les maisons de retraite... et en bonus, on peut même récupérer sur les gens qui "partent" des organes encore utilisables. La solution parfaite, non ? Mais... qui veut vraiment mourir à soixante ans ? Un très beau texte, qui fait froid dans le dos tant il dépeint parfaitement ses protagonistes et leurs travers.

Dans Sublime Eden de Jean-Pascal Martin, l'humanité a délégué aux IAs la charge de s'occuper des milliards d'humains, "sublimés" en entités virtuelles le temps que la planète se refasse une santé. Bien entendu, les trois méga-ordinateurs et leurs sbires sont également chargés de préparer le retour des hommes sur Terre, quand cela sera redevenu possible. Mais il y a un problème : les sublimés disparaissent sans raison apparente de l'environnement virtuel, leur nombre chutant drastiquement... Encore une chouette nouvelle qui s'achemine doucement vers une chute intéressante.

Les IAs sont également au pouvoir dans Le sommeil de Politeia de Paul Simon. Ou plutôt une seule, une intelligence ayant émergé de l'union de toutes les IAs après la survenue de la Singularité. Politeia a tous les pouvoirs et en use avec sagesse, aussi les humains bénéficient-ils d'un bon niveau de vie sous sa gouvernance. Mais voilà que Politeia décide soudainement de ne plus allouer de crédits au programme de conquête spatiale, une quête chère à l'humanité et que l'IA avait toujours soutenue. C'est que l'IA ne voit pas l'évolution de la même façon que l'humanité, finalement... Idée sympa et bien exploitée.

Marche forcée d'Anthony Boulanger est une nouvelle avec laquelle j'ai eu beaucoup de mal. Le texte saute d'un lieu à l'autre, d'un temps à l'autre, nous dévoilant la situation globale par toutes petites touches. Il y est question de génétique, d'espèces et d'évolution bien sûr. Le fond était prometteur, mais la forme trop laborieuse pour que j'accroche.

Enfin, on termine l'anthologie en se confrontant à des entités extraterrestres dans Les gourmandises de l'esprit de Jean-Louis Trudel. Sur Pierrefitte, il n'y a aucune espèce vraiment intelligente, mais les "poulpes" locaux sont des pâtissiers qui créent des gâteaux à base de lait, farine, etc. De la dernière expédition vers cette planète, il n'est revenu qu'une seule xénologiste devenue folle, avec un des fameux gâteaux. Le directeur de l'Institut de xénologie doit élucider le mystère. On finit en beauté avec cette nouvelle très bien trouvée et qui m'a bien plu.

En conclusion, les textes présents dans cette anthologie sont très variés et couvrent une large gamme. Comme moi, vous en trouverez probablement certains à votre goût et d'autres moins, mais l'ensemble forme un tout intéressant pour qui est curieux du sujet.