Henry David Thoreau est un auteur américain du XIXème siècle, connu pour avoir promu un mode de vie simple, proche de la nature et pour son soutien aux anti-esclavagistes. Son ouvrage le plus connu est Walden, qui relate une retraite effectuée au bord d'un lac. Pourtant, cette retraite au bord du lac de Walden a donné naissance non pas à un mais à deux ouvrages : celui qui raconte la retraite, Walden, et celui qui a été rédigé pendant cette retraite, Sept jours sur le fleuve.
L'auteur, qui a perdu son frère aîné, décide en effet de coucher sur le papier le récit d'un voyage qu'ils ont tous deux effectué à bord d'une petite embarcation, sur les flots du Concord et du Merrimack, en 1839. Si le voyage dura en réalité deux semaines plutôt qu'une seule, Henry David Thoreau choisit de raccourcir la durée du périple. Chaque jour n'est pas seulement celui du récit du voyage mais aussi prétexte à des réflexions naturalistes, poétiques, philosophiques, politiques, théologiques, historiques et sociales. Les protagonistes, Thoreau et son frère, parcourent le fleuve tout autant que ces réflexions parcourent l'ouvrage. En d'autres termes, ce livre est une invitation au voyage et à la contemplation au sens large : il s'agit d'ouvrir les yeux sur le monde, de remarquer la faune et la flore comme les détails de la vie des hommes qui habitent aussi ces lieux.
La structure du roman a de quoi déconcerter. On alterne donc des épisodes de narration décrivant les aspects pratiques du voyage, les nuits au coin du feu, les vivres apportés, le passage des écluses, les quelques interactions humaines ; et les citations de poètes, d'historiens locaux, les passages consacrés à la botanique ou à des considérations sur des sujets variant selon les jours concernés. Cette structure atypique est d'ailleurs l'une des raisons qui rendirent la publication de l'ouvrage difficile du vivant de l'auteur. Pourtant, c'est une œuvre d'une grande puissance.
L'affection qui transparaît entre les deux protagonistes est rendue poignante par le contexte d'écriture. C'est bel et bien un objet mémoriel qu'on a entre les mains, un travail de deuil.
On ne pourra que conseiller aux lecteurs modernes de prendre leur temps pour lire l'ouvrage. Certaines des questions qu'il pose, par exemple autour du rapport à la nature, sont toujours d'actualité et méritent qu'on s'y attarde. Mais même sans cette lecture « engagée », il est plaisant de se laisser porter par le récit de Thoreau et ses divagations, presque comme si l'on était nous aussi dans la barque, avec son frère et lui, profitant de la fin de l'été pour nous laisser voguer au rythme du courant.
Cette édition offrira l'opportunité aux lecteurs curieux de se renseigner davantage sur l'auteur, sur sa vie, sur les lieux qu'il traverse avec son frère, de mieux comprendre ses références. Les notes sont nombreuses mais on trouve aussi des lexiques très utiles, l'un pour la faune, l'autre pour la flore, une carte, des tables d'équivalence des mesures, une préface écrite par Sébastien Baudouin, une chronologie, une bibliographie sélective. En bref, tout pour permettre une lecture érudite et approfondie.
Je suis d'ordinaire moins sensible aux couvertures comportant des photographies. Pourtant, le cliché choisi, pris par Douglas Rissing, correspond si bien au livre qu'il constitue un autre point fort de l'édition.
Je ne peux que recommander de se plonger dans cette œuvre, pour peu qu'on puisse s'autoriser une lecture calme et réflexive. Je ne connaissais l'auteur que de nom et suis ravie d'avoir pu profiter de cette édition pour le découvrir.