La Terre est empoisonnée, ses habitants sont morts et les colons de la Lune aussi. Le dernier espoir de survie de l'humanité est porté par dix fillettes génétiquement améliorées, qui devraient devenir les mères d'une nouvelle génération. Pour le moment, ces enfants n'ont pas encore atteint la puberté, et elles sont élevées dans des stations en orbite autour de la Lune, chacune isolée avec son couple parental. Elles se retrouvent pourtant tous les jours pour des leçons en commun, dans un environnement virtuel. Bientôt, elles auront sept ans et pourront descendre sur la Lune pour commencer leur mission de reproduction, à laquelle elles se préparent activement.
L'une des petites filles est pourtant un peu différente des autres. Au moment du départ, le bébé prévu manquait et elle a été prise en remplacement. Hélas, son intelligence n'est pas au niveau de celle de ses camarades. Celles-ci se moquent d'elle en l'appelant "Quatre-virgule-deux" (son rang sur leur échelle d'évaluation de l'intelligence), au point que son vrai prénom n'est jamais utilisé. Pire, elles la harcèlent au quotidien, l'ignorant ou la rabaissant, voire bien souvent en l'attaquant physiquement en prenant le contrôle des programmes à distance, ce qui leur est facile vu leur intelligence.
De plus, elle ignore la vraie teneur de leur mission. On lui a fait miroiter depuis toujours un destin glorieux de pionnière, de conquérante de l'univers, et elle ne rêve que du jour où elle ira sur Mars, puis plus loin, pour que l'humanité s'y réimplante. Quand elle découvre la vérité, tout ce en quoi elle croyait s'écroule. Au mépris des difficultés, elle va tout faire pour pouvoir malgré tout devenir l'exploratrice qu'elle a toujours imaginé devenir.
Paideia nous parle de la fin de l'humanité à travers le destin de dix petites filles. En théorie, elles auraient dû assurer la survie de l'espèce, formées pour cela depuis leur enfance. Mais voilà : l'humanité, même mourante, même avec une intelligence augmentée, reste l'humanité, avec tous ses travers. Et les gamines sélectionnées, bien que surdouées, ne sont que des sales gosses odieuses et antipathiques. Dans leurs stations monotones, elles aiment jouer à qui est la plus intéressante, mais surtout elles aiment tourmenter leur souffre-douleur, encore et encore. Comment imaginer alors que celle-ci, une fois acculée, fasse passer d'abord la survie du groupe, dont elle a toujours été isolée ? On devine bien sûr que cela ne peut tourner qu'au drame !
Claire Garand a fait des efforts pour nous dépayser en adaptant le quotidien et le vocabulaire à une vie dans l'espace : la narratrice, Quatre-virgule-deux, se repère par exemple "à lune" et "à cosmos", clin d'œil amusant. Le texte est soigné, précis. Mais dans l'ensemble c'est aussi lourd et long, au point qu'on se détache finalement des émotions pourtant intenses de la protagoniste. Si j'ai donc apprécié l'idée traitée, je me suis au final un peu ennuyée.
Un roman dur mais original, qui porte dans l'espace et le futur des thématiques humaines universelles.