Un soir d'été, à Paris, Cléo, une jeune chanteuse, vit dans l'attente de résultats médicaux angoissants. La jeune femme se débat contre l'idée d'une mort prochaine et, par là-même entame une mue. De poupée frivole et égocentrée, elle devient une personne plus profonde et ouverte sur le monde.
Cléo de 5 à 7, c'est d'abord et avant tout un film d'Agnès Varda, sorti en 1962, avec Corinne Marchand dans le rôle phare de Cléo. On y déambule dans Paris à la suite de la protagoniste, on s'y heurte à sa suite à la violence, pour partie inconsciente, de son entourage qui ne prend pas ses craintes au sérieux et qui, habitué à sa personnalité de starlette, les appelle des caprices. Il y a quelque chose du Dernier Jour d'un Condamné de Victor Hugo dans ce film : la sentence de mort doit être prononcée par une journée radieuse, le récit est celui d'un compte à rebours. Mais Cléo est loin d'être incarcérée en attendant que l'on décide de son sort. Elle a la possibilité de s'échapper et le fait d'ailleurs dans une scène où elle se défait de sa perruque et de ses vêtements apprêtés pour revêtir une perruque et sortir seule dans les rues de la capitale.
C'est un plaisir de découvrir le film sous cette forme. Il n'est d'ailleurs pas nécessaire de l'avoir vu avant de se plonger dans le texte. Agnès Varda le précise dans l'avant-propos : le livre pourra aussi bien servir d'aide-mémoire pour les connaisseurs du film que de « cinéroman » - ou roman photo - pour les autres. Il est vrai que les photographies sont très nombreuses et permettent aisément de visualiser l'action. On est cependant loin du niveau d'un roman photos. Les dialogues sont complétés par des descriptions de l'action, du jeu des personnages, des indications sur les choix de plans, de mises en scène. Il est donc très facile de suivre non seulement l'histoire mais aussi ce qu'Agnès Varda voulait montrer de ses protagonistes.
Il est frappant de constater que l’œuvre de Varda, même réduite à son script et à des photographies, a la capacité de se suffire à elle-même au format papier. Avec son découpage en treize chapitres, son alternance des points de vue, l'évolution graduelle et spectaculaire de sa protagoniste, elle reste une œuvre d'une grande puissance.
On ne peut que louer le travail réalisé par Gallimard pour republier des écrits des cinéastes femmes ces dernières années. Elle rend accessible des textes qui autrement serait devenus délicats à se procurer étant donné leurs dates de première édition.
Cette nouvelle édition, avec son papier de bonne qualité et sa couverture sobre mais esthétique, est agréable à suivre. Elle contient un avant-propos d'Agnès Varda, écrit en 1962 et présentant son film, mais aussi deux préfaces récentes. La première, d'Audrey Diwan, interroge les thématiques du film, les jeux de miroirs, de métamorphoses et la conception de la liberté pour Varda. La seconde, de Véronique Le Bris, évoque les symboles mais aussi la place des héroïnes dans l’œuvre de la cinéaste.
Cette édition de Cléo de 5 à 7 est à mettre entre les mains des amoureux de cinéma comme d'héroïnes tourmentées par la vie.