Alice Blake quitte la Terre pour la première fois. La jeune femme, bardée de diplômes et bénéficiant d'une intelligence exceptionnelle, a été envoyée sur la station spatiale de Ciudad de Cielo (CdC pour faire court) pour y prendre la direction des forces de sécurité gouvernementales. Malgré son solide sens du bien et du mal, Alice ne va pas tarder à découvrir que rien n'est tout noir ou tout blanc sur CdC.
Nicola Freeman travaille pour la Seguridad, la police privée de CdC. Du moins, c'est son job officiel. La plupart du temps, elle se fait appeler Nikki Fixx et trempe dans toutes sortes de combines louches dans les milieux interlopes de la ville spatiale : alcool, prostitution, contrebande et autres joyeusetés, elle s'y trouve comme un poisson dans l'eau et en retire un certain nombre d'avantages. Ripoue ? Oui, et alors ?
Ciudad de Cielo s'enorgueillit d'être un lieu où aucun meurtre n'a jamais eu lieu, officiellement en tout cas, mais cette belle image commence à se fissurer lorsqu'un cadavre débité en morceaux est découvert sur la station. Tout oppose Alice et Nikki, mais elles vont devoir travailler ensemble pour élucider ce crime et contrecarrer les plans d'un individu aussi mystérieux que sans scrupules.
Moitié polar, moitié SF, La ville dans le ciel est un roman 100 % efficace. Le cadre est décrit avec force détails et on visualise très rapidement l'agencement de Ciudad de Cielo, ville futuriste qui abrite aussi bien des bidonvilles glauques que des beaux quartiers où il fait bon vivre (et où l'on mettra assez peu les pieds), en passant par les zones industrielles et de fret plus anonymes.
L'intrigue est menée tambour battant et ponctuée par de nombreuses scènes d'action, sans pour autant s'interdire des temps plus calmes consacrés à la critique sociale (le futur pourri de CdC n'étant qu'un miroir de notre présent) ou à des réflexions philosophiques sur le libre-arbitre et l'éthique scientifique. Sans être bouleversant d'originalité ou de profondeur, ce propos ajoute tout de même une épaisseur bienvenue au récit. Le tout aboutit à une conclusion satisfaisante, quoique peut-être un peu précipitée, voire facile (au risque de divulgâcher un peu, on pourrait presque parler de deus ex machina au sens littéral…).
Le gros point fort du livre est son duo de protagonistes. Les chapitres alternent entre le point de vue d'Alice et celui de Nikki, ce qui permet à Chris Brookmyre de présenter leurs caractères, leurs qualités et leurs défauts et leurs visions du monde très différentes sans prendre parti pour l'une ou l'autre. De la sorte, on peut s'attacher à Nikki, corrompue mais pleine de gouaille, aussi bien qu'à la très raisonnable (donc parfois barbante) Alice, sans qu'aucune n'apparaisse comme foncièrement meilleure que l'autre, ou mieux outillée pour résoudre la crise qui les menace. Elles connaissent toutes les deux une évolution significative au fil du récit et c'est un plaisir de les suivre, notamment de les voir interagir et s'apprivoiser peu à peu.
Si vous aimez les polars pleins d'action, les héroïnes au caractère bien trempé et la SF qui fait un peu réfléchir quand même, La ville dans le ciel devrait vous faire passer un bon moment.