Les Chroniques de l'Imaginaire

La Nature - Emerson, Ralph Waldo

« Notre époque aime à revenir sur le passé. (…) Les générations passées ont vu Dieu et la Nature en face ; nous les regardons, nous, par les yeux de ces générations. »

Tels sont les premiers mots introductifs formulés par Ralph Waldo Emerson, auteur américain et figure phare du mouvement transcendantaliste. Première pierre d’un long chemin aux allures de quête spirituelle, Emerson se demande pourquoi nous n’aurions pas une philosophie et une poésie à nous, au lieu d’emprunter celles liées à la tradition. Une religion qui nous serait révélée plutôt qu’une religion transmise par l’histoire ? 

Une renaissance qui passe par une régénération de l’esprit et nécessite un retour à la Nature, cette source puissante et généreuse « des flots de vie qui coulent tout autour de nous ». Mais pour que tout coïncide parfaitement, telle l’osmose entre la lune et le soleil, le jour et la nuit, le ciel et la terre, l’homme doit apprendre à reconnaître et à accepter que quelque chose de plus grand le précède et le dépasse. Que tout n’est pas parfait et que la Nature dans ses traits les plus sombres « revêt toujours les couleurs de l’esprit », « tel un théâtre où se jouent aussi bien des pièces comiques que des pièces larmoyantes ». 

Pour se faire, il semble falloir également revenir « à la raison et à la foi ». Une foi présente au fil des différents chapitres abordant tour à tour « les convenances, la beauté, le langage, la discipline, l’idéalisme, l’esprit » avant d’ouvrir sur de nouvelles « perspectives ». Des perspectives de changement et de prise de conscience, voire de rachat, pour que l’homme s’émancipe enfin et s’approche au plus près de la vertu et de la beauté…

J’ai voulu attendre l’arrivée des beaux jours avec le printemps, saison associée au renouveau des cycles de la nature, pour me plonger dans cette lecture que j’espérais à la fois débordante d’énergie, de couleurs et d’images aux bienfaits réparateurs. 

À vrai dire, je n’attendais pas grand-chose, si ce n’est d’être transportée au cœur de cette fameuse « Nature » qui donne son nom et sa majuscule au titre. En somme, faire une plongée vivifiante dans les méandres des rivières, sentir le vent souffler sur les pages et la terre s’incarner sous mes ongles… Un souhait certes un peu simplet et réducteur mais bien plus léger que la brique dévote que je me suis prise sur la tête à coup de formulations bibliques lourdes et pompeuses. Prenez par exemple : « La nature dit : « Il est ma créature ; et, malgré ses chagrins intolérables, il sera heureux avec moi. » 

Personnellement, j’ai toujours eu du mal avec les personnifications, que je trouve dangereuses et limitées, mais après tout pourquoi pas. Si Emerson est un proche de Henry David Thoreau, et même sa source d’inspiration, je me devais de faire un effort d’humilité et de recontextualisation. 

Malheureusement, au lieu d’être transcendée par un sentiment très clair et une pensée poétique, j’ai été plutôt surprise puis déçue voire carrément ennuyée (et noyée) par le flot de formulations religieuses. Une ferveur à laquelle je ne m’attendais pas et que j’ai vainement essayé de comprendre. Ne me restent en mémoire que des écrits que j’ai trouvés difficiles, embarrassants et totalement insondables pour la non-initiée que je ne pensais pas être. 

Ce petit livre-manifeste d’une centaine de pages requiert beaucoup de temps et de patience pour en venir à bout tant certaines visions de l’auteur empruntent des chemins sinueux pour arriver jusqu’à notre esprit. Bref, une philosophie d’adoration divine qui pour le coup m’a totalement laissée à terre.