Le continent de Léria est frappé par un phénomène naturel pour le moins singulier. Ses plaines sont parcourues par de gigantesques marées qui ne sont pas bleues, mais vertes : des déchaînements végétaux dont l'ampleur n'a d'égale que la violence. Survivre à leur passage est une véritable gageure, car elles infectent les formes de vie animale qu'elles croisent, et l'hémoglobine ne fait pas le poids face à la chlorophylle.
Pour échapper à la marée, la majeure partie de l'humanité s'est calfeutrée dans des cités-États aux murs solides. Cependant, il existe des individus qui ont choisi de suivre les marées pour récolter les matières précieuses qu'elles charrient avec elles. Ces individus, épris de liberté, mènent une existence nomade où la solidarité est la clef de la survie. Aussi, lorsqu'un saboteur commence a semer le chaos au sein de la Trame, c'est une menace qui risque de causer leur perte à toutes et à tous.
Premier roman publié d'un quatuor de jeunes auteurs, La Trame appartient à cette catégorie de livres de fantasy qui vous plongent dans leur univers sans jamais vous tenir la main. C'est en grande partie le fait du style, d'une exubérance à rivaliser avec les marées végétales qu'il décrit, tout en longues phrases au vocabulaire recherché, et en partie inventé qui plus est. Lectorat impatient ou distrait, passe ton chemin ! Mais lectorat avide de mondes inventés déroutants et envoûtants, bienvenue !
Le récit est partagé en deux grandes parties. La première présente l'univers de la Trame et les principaux personnages, dont les deux protagonistes : Lige, un jeune homme qui parcourt les marées en compagnie de son mentor Angénor, et Chiffe, une jeune fille qui vient d'abandonner son existence de sédentaire (ou « sédenterne », comme le disent malicieusement les membres de la Trame) pour rejoindre la Trame. C'est aux côtés de Lige que l'on découvre ce que veut dire être trameur, avec une longue séquence de chasse (pêche ?) en pleine marée où la plume du collectif reflète à merveille la violence des éléments. Chiffe nous permet quant à elle d'apprivoiser le fonctionnement de la Trame pendant ses déplacements.
En termes d'intrigue, il ne se passe pas grand-chose jusqu'à la deuxième partie, qui est consacrée aux méfaits du saboteur, dont Lige fait les frais, et à l'enquête que mène Chiffe pour le démasquer. La bascule entre l'existence normale de la Trame et sa quasi-annihilation par suite des innombrables coups bas du saboteur est particulièrement brusque et la résolution de cette affaire m'a un peu laissé sur ma faim.
Je serai tout de même curieux de lire les autres récits que le Bombyx Mori Collectif compte développer dans le monde de Léria. Leur imagination et leur plume témoignent d'une grande originalité et d'une belle maîtrise de la langue.