Les Chroniques de l'Imaginaire

Les chiens et la charrue (Le cycle de Syffe - 3) - Dewdney, Patrick K.

Ça ne va pas fort pour Syffe. Sa vie s'est écroulée autour de lui et il erre de gargote en gargote, cherchant en vain à noyer dans l'alcool les souvenirs qui lui pèsent, en attendant peut-être de se noyer lui-même pour de bon dans la rivière la plus proche. Au fond du trou, il se retrouve embrigadé malgré lui dans un équipage de contrebandiers. Peu à peu, d'un coup du sort à l'autre, il va reprendre pied et s'impliquer dans la grande histoire, des intrigues de cour de Bourre au siège de Puy-Rouge.

Ce n'est jamais facile d'attaquer un cycle de fantasy par son troisième tome et j'appréhendais donc quelque peu la lecture des Chiens et la charrue. J'ai donc été agréablement surpris d'avoir affaire à un récit tout à fait compréhensible. Syffe, notre narrateur, est très porté sur l'introspection et il fait très souvent allusion aux événements qui lui sont arrivés dans les tomes précédents, mais il le fait justement à une telle fréquence que l'on peut assez vite reconstituer son histoire dans ses grandes lignes.

En revanche, la géographie de l'univers est plus délicate à appréhender. Patrick K. Dewdney a choisi de ne pas inclure de carte d'ensemble de la Péninsule au profit de cartes régionales qui se veulent intradiégétiques, avec des styles de dessin et d'écriture différents. Pour l'immersion, c'est une bonne idée, mais ça n'aide pas à suivre l'intrigue à partir du moment où Syffe se retrouve plongé dans les intrigues politiques et les grandes guerres qui déchirent le pays. J'ai fini par craquer et aller chercher une carte générale sur internet pour pouvoir situer les très nombreuses villes et peuples mentionnés au fil du récit.

Syffe évolue dans un monde de low fantasy sans magie ou créatures féeriques. Ce sont ses divisions politiques qui sont les plus fouillées, avec une structure féodale complexe, des seigneurs en bisbilles perpétuelles et, sur les marches, des peuples nomades plus égalitaires et moins structurés. Le héros est en porte-à-faux entre ces deux mondes, ce qui constitue une part importante de son caractère.

Les personnages sont justement un gros point fort du livre. Syffe est un protagoniste attachant, un peu porté sur l'auto-apitoiement mais avec suffisamment de recul pour s'en rendre compte lui-même, et son évolution au cours du récit, qui le voit reprendre en main le cours de sa vie, est agréable à suivre. Les individus qui gravitent autour de lui sont variés et mémorables, des élites de Bourre aux hommes de guerre dont il s'entoure.

Si j'avais un reproche à faire aux Chiens et à la charrue, c'est sa longueur. L'auteur aime manier la langue et il le fait bien, avec beaucoup de descriptions qui rendent l'univers plus vivant, mais à force d'adjectifs empilés, j'ai fini par avoir l'impression qu'il se regardait un peu écrire. Il me semble que le livre n'aurait pas souffert avec quelques dizaines de pages en moins.

J'attends tout de même avec impatience le tome 4 pour connaître la suite des aventures de Syffe. D'ici là, je compte bien me procurer les deux premiers tomes de ce qui s'annonce comme un très bon cycle de fantasy.