En 1986 au Chili, Pinochet est encore au pouvoir et la colère populaire gronde contre le dictateur qui se cache dans ses différentes propriétés. Il ne se déplace jamais sans une imposante escorte, de crainte d’un attentat. Il ignore que dans un quartier pauvre de Santiago un jeune homme, Carlos, entrepose chez « La Folle du Front » des armes bien cachées dans des caisses en bois. Avec son groupuscule composé en partie d’étudiants, ils ont pour but de monter une embuscade et éliminer le chef de l’état.
« La Folle du Front » est un homme qui se rêve femme, et se genre parfois au masculin parfois au féminin. Brodeuse de profession, elle arbore des tenues flamboyantes dès que l’occasion le permet. La Folle du Front tombe amoureuse de Carlos, qui représente une jeunesse enfuie, mais aussi le désir charnel et les fantasmes qui vont avec. Elle sait que Carlos l’utilise, même si elle joue les idiotes, mais c’est plus fort qu’elle, elle est amoureuse et veut l’aider.
C’est un roman flamboyant que l’on redécouvre dans cette collection L’imaginaire, de Gallimard. Flamboyant grâce à Le Folle du Front (dont on ne connaîtra jamais ni le nom, ni le prénom), mais aussi à travers la langue à la fois baroque et poétique de Pedro Lemebel.
Pour mieux comprendre la beauté de cette langue, il faut lire les préfaces croisées, où la parole est donnée à la traductrice qui a effectué un travail formidable de révision de sa propre traduction. Le résultat rend très vivant les personnages que l’ont croise au fil de l’histoire. Dans ces préfaces sont aussi expliquées la sensualité de la Folle du Front, opposée à la rigueur de Pinochet et de ses petites habitudes.
C’est une très belle découverte pour moi, je ne me suis pas ennuyée un seul instant, et j’avoue que j’ai croisé les doigts pour que les sentiments de la Folle du Front soient partagés, ne serait-ce qu’un court instant.