Les Chroniques de l'Imaginaire

Théâtre et science-fiction (Galaxies SF - 82)

Quand on pense à la science-fiction, le théâtre n'est pas la première forme d'art qui nous vient à l'esprit. Pour prouver que l'association de ces deux termes n'a rien d'un oxymore, ce quatre-vingt-deuxième numéro de Galaxies SF y consacre un copieux dossier élaboré par Ugo Bellagamba, Hélène Cruciani, Émilie Gévart, Anne et Philippe Mura.

Après une introduction programmatique, on trouvera dans ce dossier deux gros inventaires dressés par Anne et Philippe Mura de tout ce que le théâtre de langue française a pu proposer se rapportant de près ou de loin à la SF depuis 1684. Les notices, laconiques, offrent un bon point de départ au lectorat curieux pour des recherches complémentaires. Hélène Cruciani souligne en quelques pages « L’intérêt grandissant des universitaires pour le théâtre de science-fiction  », qui se reflète dans l'article fouillé que propose Ugo Bellagamba sur les liens entre théâtre et utopie. Pierre Gévart et Ugo Bellagamba rappellent l'histoire du prix Aristophane, créé en 2017 pour encourager la création d'œuvres théâtrales de science-fiction. Enfin, Émilie Gévart présente quelques-unes des nombreuses transpositions scéniques du célèbre Frankenstein de Mary Shelley et le metteur en scène Rémi Prin explique la démarche qui a guidé son adaptation du non moins célèbre Solaris de Stanisław Lem.

Ce dossier fort intéressant est illustré par deux courtes pièces de théâtre. Une saynète à l’hôpital Titan ouest est une farce gouailleuse à base de violence et de sexe outranciers. Sa mise en scène serait pour le moins difficile et il ne m'a pas fallu longtemps pour deviner qu'elle était signée Philippe Caza. Timothée Rey propose également un texte plein d'humour, mais tout de même plus sérieux, en parodiant éhontément Samuel Beckett dans En attendant la concordance de phase. Ses protagonistes, Vladragon et Astramir, sont des naufragés interdimensionnels… Réjouissant comme tout.

Au sommaire de ce numéro, on trouvera également cinq nouvelles ayant deux points communs : elles n'ont rien à voir avec le théâtre et elles sont d'excellente facture.

Phoenix, de Jean-François Chaussier, offre une touchante relation père-fille sur une Terre carbonisée par le réchauffement climatique. Elle n'a pas volé son premier accessit ex æquo du prix le Bussy 2022.

Changement de ton radical avec Les hommes de l’Union ne meurent jamais, de Jeremy Szal, qui nous plonge dans une guerre future plus déshumanisante que jamais à travers les yeux d'un soldat muni d'une armure pleine de nanotechnologie. Glaçant.

Dans une dizaine de milliards d’années, de Wilfried Renaut, nous fait suivre une équipe de scientifiques qui enquête sur la disparition subite de l'intégralité des eaux de l'océan Pacifique. On pense très fort à des films comme Sphère, mais le traitement est suffisamment original et prenant pour que la lecture en vaille la peine.

Thomas Prélôt imagine dans Incongruence un sport futuriste aussi populaire que dangereux et prend pour héros un jeune homme qui rêve d'y exceller. Les parallèles avec le monde du sport actuel sont évidents mais n'entravent pas la qualité du récit.

Enfin, Galaxies SF continue à nous faire découvrir des auteurs ukrainiens dans la rubrique « Chroniques d'Ukraine ». C'est au tour de Max Kidrouk qui nous offre, avec Au plus proche du pôle, une transposition sur Mars de la course aux pôles que la Terre a connue au début du vingtième siècle. Inutile de préciser qu'il s'agit d'une entreprise tout aussi mortelle… Un texte prenant et viscéral.

Après une telle abondance de biens, on retrouvera avec plaisir les rubriques habituelles. Pas de musique cette fois-ci, mais toujours des chroniques des dernières sorties séries, films, BD et livres du monde de l'Imaginaire, de quoi remplir vos listes d'envies.