Témoin de l'histoire d'amour de son ami Vasco, le narrateur est amené à rendre compte de ce qu'il sait chez le juge. Il raconte tout, depuis le début. La rencontre avec Tina, alors qu'elle allait se marier avec Edgar. Le SMS de Vasco, conservateur à la BNF, qui demande avec une innocence feinte si elle est intéressée à l'idée de consulter des exemplaires originaux de Rimbaud et Verlaine. L'admiratrice passionnée des poètes ne peut qu'accepter. Là voilà hameçonnée. S'ensuivent des instants volés passionnés.
Jusqu'au drame, puisque si le narrateur doit relater cette relation chez le juge, c'est qu'elle s'est nécessairement mal finie. De quelle manière ? Nous ne le saurons pas tout de suite. Dans l'attente de connaître le dénouement de l'histoire, nous écoutons l'ami de Vasco et Tina qui sait tout de leur amour.
Les histoires adultères se ressemblent toutes. On se séduit, on hésite, on saute le pas, on s'aime, puis on regrette. Tina et Vasco passeront par ces étapes, avec la touche finale qui reste un mystère soigneusement entretenu. Ce roman pourrait donc être une histoire d'adultère comme les autres, une lecture agréable qui ne nous transcende pas sans pour autant nous décevoir. Mais il y a la patte Désérable qui fait tout.
Le parti pris de regarder le couple secret à travers les yeux de leur complice confident est déjà une originalité en soi. Là où la lecture devient véritablement plaisante, c'est que l'auteur met beaucoup d'humour dans ses paroles et dans les situations. On se surprend à rire plus d'une fois face à une intrigue qui normalement ne s'y prête pas. Ce n'est pas un roman comique, loin s'en faut. C'est plein d'esprit, fin et acide. Si bien qu'on lit le roman d'une traite sans voir le temps passer. L'érudition de l'auteur transparaît sans ostentation et c'est aussi un atout remarquable.
Au final, l'histoire elle-même laisse un souvenir diffus, qu'on peut résumer en trois lignes. La plume de François-Henri Désérable en revanche a un goût de reviens-y et c'est véritablement cela qui donne tout son caractère à Mon maître et mon vainqueur.