Paul, peintre à Paris dans les années soixante, n'est pas heureux. C'est un jeune homme qui doute, écoutant ses anciens camarades des Beaux-Arts adeptes de Marcel Duchamp, adeptes aussi des dialogues sans fin, et se donnant une image d'artistes à la recherche de soi-même, un brin arrogants et complètement loin des conventions. Paul n'adhère pas ; c'est un artiste terre à terre, qui croit au concret, qui croit aussi que d'être dans le spleen tout au long d'une journée peut guider l'artiste à trouver enfin sa voie. Mais un obstacle l'empêche de créer. C'est toile blanche devant ses pinceaux. En bref, il se cherche, il tourne en rond, sa voisine Georgina, avec qui il a une relation régulière et qui veut fuir son mariage ennuyeux, le soutient.
Pourquoi ne pas aller chez le coiffeur ? Il en a vraiment besoin ! Aller chez son coiffeur n'a rien d'extraordinaire. Juste se détendre un peu et ressortir plus léger capillairement ! Une charmante jeune fille s'occupera de lui, Mathilde, et... du bout des doigts... commencera à lui transmettre le bonheur qu'il refuse de rencontrer.
Accepter le bonheur, accepter de réussir, accepter de souffler un peu n'est peut-être pas chose facile. Se donner un style, adopter des attitudes tristes et s'enfoncer de plus en plus colle certainement plus à une image artistique. Cyril Bonin a choisi ici de nous faire voir que le bonheur peut se trouver tout simplement dans son quartier, et que l'on peut modifier sa vie en fonction de son état. Accepter la légèreté et la facilité, en gardant le sourire, nous mènera à vivre plus facilement ; dans une société truffée d'embûches, où la population fuit ses responsabilités, les difficultés et les problèmes à résoudre, les gens s'enferment sur eux-mêmes et se dirigent sans s'en rendre compte vers une belle dépression. L'auteur ici nous pose la question de savoir si au final le bonheur, l’amour, et l'art peuvent faire cause commune et bon ménage.
Cette bande dessinée est douce, il y va de la vie monotone et triste d'un jeune peintre pessimiste et d'une pétillante jeune coiffeuse ravissante croquant la vie et ne larmoyant pas sur son sort. Les couleurs chaudes choisies par l'auteur se rapprochent de l'époque des sixties, une certaine nostalgie se dégage des pages et démontre un âge où les gens se parlent, ne jugent pas via les écrans, et se posent les bonnes questions sur eux-mêmes. Cette histoire se passe il y a soixante ans mais la façon dont les personnages sont dessinés reste moderne. Et ce que j'apprécie plus particulièrement, c'est la façon dont l'auteur Cyril Bonin se questionne sur l'existentialisme, la réussite et la façon de voir la vie. Relativiser, faire rentrer le soleil dans son propre monde résout la majorité de nos soucis quotidiens et fait qu'on avance plus fort.
Une bande dessinée pleine d'espoir et de romantisme qui me donne envie de découvrir d'autres albums de ce nouvel auteur dans ma bédéthèque.