Natalio est flic de classe 5, tout au bas de l'échelle. Toutes les sales besognes, type élimination de contestataires trop bruyants de l'ordre établi, c'est pour sa pomme. Entre deux missions pour la maréchaussée de la City, il n'hésite pas à accepter des jobs plus ou moins légaux pour arrondir ses fins de mois. Cette fois-ci, c'est pour le compte de Rêves Différents, une entreprise qui offre aux malheureux de la City une échappatoire à leurs vies étriquées à travers une hibernation de plusieurs années parcourue de visions fabuleuses. Leur système de sécurité a été infiltré et ils veulent savoir qui se cache derrière cette intrusion.
Encore du sale boulot pour Natalio, qui va devoir plonger dans les entrailles de la City pour dévoiler le pot aux roses. Il aura bien besoin de l'aide de son nouvel électroquant de seconde main. Impossible de se passer de cet androïde multifonctions, tour à tour assistant personnel, magnétophone ou réveille-matin. Quand bien même son comportement ne serait pas aussi carré qu'il devrait l'être… Après tout, Natalio ne l'est pas vraiment lui non plus.
Les rêves qui nous restent est un roman court et percutant. C'est un polar qui part d'une situation assez classique dans ce type de récit, aussi bien pour ce qui est du protagoniste (un flic alcoolique au passé torturé) que du cadre (une ville décadente et sans espoir), mais Boris Quercia s'approprie avec talent ces éléments et les utilise pour construire une intrigue prenante, avec des personnages auxquels on s'attache et une résolution inattendue.
Ce canevas permet surtout à l'auteur de développer des idées passionnantes sur la nature de l'humanité à travers ses électroquants. La référence aux réplicants de Blade Runner est limpide, mais les androïdes présentés ici sont peut-être encore plus touchants que ceux de Philip K. Dick et Ridley Scott, avec leurs interrogations sur leur propre identité. Le roman aborde également des questions politiques et sociales d'actualité : sa City représente un futur dans lequel les élites laissent le monde brûler pour accumuler encore davantage de richesses. Sa conclusion, à défaut d'espoir, offre une issue possible à une situation terriblement proche de la nôtre.
J'ai été impressionné par l'efficacité de ce livre, qui parvient en deux cents pages à peine à brasser en profondeur des thèmes passionnants sans oublier de raconter une histoire haletante aux personnages attachants. Il s'agit apparemment de la première incursion de Boris Quercia dans les littératures de l'imaginaire et j'espère que ce ne sera pas la dernière !