Les Chroniques de l'Imaginaire

Le temps des ogres - Montmoulineix, Michelle

Après le départ de ses parents pour le lac Baïkal dans l'espoir d'y recréer une vie agréable alors qu'elle était tout bébé, Victoire grandit au village avec ses tantes Oma et Rosy. Depuis l'arrivée de la Patrouille, quelques années auparavant, la situation a empiré, en ce que l'eau, précieuse et rare, est sévèrement rationnée et réservée aux seuls humains. Tous les animaux d'élevage et domestiques ont été tués. Ne reste que la brebis Belhamelle, dont l'existence est tenue secrète par la petite famille. Un jour, toutefois, alors que Victoire a treize ans, leur vie relativement paisible vole en éclats, et l'adolescente doit s'enfuir.

Elle part le long de la rivière asséchée en espérant la suivre pour rejoindre ses parents, mais malheureusement elle se trompe de sens et c'est au bord de l'océan qu'elle arrive, non sans faire des rencontres sur sa route, certaines amicales ou encourageantes, d'autres beaucoup moins. C'est à bout de forces et les mains vides qu'elle rejoint l'Atlantique, pour y trouver un porte-conteneurs ensablé, qui nourrit et abreuve parcimonieusement une troupe d'enfants et d'adolescents ensauvagés, mutiques, qui servent de proie aux marins du cargo.

Assez classique dans sa construction - une adolescente dont la vie s'écroule, qui doit s'enfuir, et qui fait des expériences au long de son parcours -, ce roman n'en a pas moins une fin originale. Le rythme en est vif, on ne s'appesantit pas sur les traumatismes probables des choses terribles qui arrivent à Victoire : rien de trop précis sur le plan des menaces, rien de trop graphique, d'où l'âge minimum fixé à onze ans. D'autant que le roman comporte un aspect de fable, ou de conte merveilleux, qui conviendra bien aux enfants, et qui fera sourire les adultes qui se souviennent encore de leur enfantine fascination pour les grenouilles.

Il dépeint un futur sombre, où la vie sur Terre a été pratiquement éliminée par la montée des températures et la sécheresse qui s'est installée. La disparition de la plupart des adultes a eu pour conséquence que les enfants n'ont jamais appris à parler ni à penser. L'effondrement des structures de la civilisation, et du savoir, a entraîné d'une part la tyrannie des Patrouilleurs et la folie de la Capitaine convaincue qu'elle peut à elle seule maintenir le souvenir de toute la vie disparue. Le trait est peut-être un peu forcé, mais c'est la nature de la fable.

En somme, une bonne histoire pour donner aux enfants le sens de l'importance de l'écologie et de la préservation de la nature, tout en les faisant rêver.