Les Chroniques de l'Imaginaire

L'année fantôme - Tronchet, Didier

Gilles Collot-Sopièdard (je vous laisse le dire à voix haute, en prononçant le prénom après le nom), dit Collot, est l'humoriste le plus redouté de la place parisienne. Véritable fou du roi, que ce soit sur papier, sur les ondes radio ou dans les cocktails mondains, cet électron libre punaise au mur, par ses mots acérés, tous ses interlocuteurs !

Sans faux-semblants, ni petits arrangements, il n’épargne personne. Loin de l’humour compassé, il règne en maître dans ce domaine où, sans avoir jamais rien préparé à l’avance, il excelle spontanément tout en évitant habilement les pièges tendus par ses adversaires. 

Mais de quoi cet humour est-il la politesse ? Car dans le dénuement du cabinet de sa psy, Collot lève peu à peu le voile sur une enfance refoulée, qui l'a poussé à couper les liens avec les membres de sa famille. Une famille aux secrets bien gardés au fil des années, enfouis sous le poids des chapes de plombs égrenant leurs interminables repas dominicaux. 

Cependant, à la suite d'un accident de parcours professionnel, le quadragénaire va accepter de se rendre dans le Nord, à la redécouverte de son histoire. Et à la découverte tout court d'une année charnière : 1986, l'année que sa mère a soigneusement occultée des albums photo... Que s’est-il donc passé lors de cette « année fantôme » ?

D’emblée je retrouve tous les ingrédients scénaristiques qui me font apprécier chaque album de Tronchet malgré son style de dessin qui me laisse chaque fois un peu pantoise concernant les visages. C’est parfois difficile de différencier les personnages, surtout quand ces derniers ont des traits similaires pour bien signifier leur appartenance à une même famille.

Mais qu’importe, lire Tronchet (véritable touche-à-tout : journaliste, globe-trotter, dessinateur, romancier, réalisateur…), c’est assurément s’aventurer au cœur de l’intime par le biais d’un sujet paradoxalement universel : la famille, la société, les non-dits.

Avec beaucoup de pudeur, en plus de l’humour qu’il distribue à grands traits, Didier Tronchet croque ses personnages avec empathie et tendresse pour nous livrer un récit aux accents autobiographiques qui parlera pourtant j’en suis sûre à chacun d’entre nous.

Cette lecture est un voyage inattendu d'où l'on ne ressort pas indemne. On rit, on s’émeut, on comprend et, au fil des pages, on finit par s’approprier totalement cette histoire. 

Cet auteur a depuis toujours à mes yeux une « intelligence du cœur » qui ne peut laisser le lecteur indifférent. Ou alors c’est que je suis particulièrement sensible à ce genre de récits, décalés entre un graphisme brut, des couleurs simples mais des répliques mordantes pour une trame particulièrement touchante et nostalgique. Encore une fois, pour moi ça marche et ça matche à tous les coups !