Le Sunbird est sur le point d'achever sa mission d'exploration autour du Soleil. Pour ses trois membres d'équipage, c'est bientôt la fin de longs mois d'isolement et de stress intense, surtout qu'une éruption solaire a pas mal amoché leur vaisseau et détraqué leurs instruments. Néanmoins, pour le major Norman Davis, le capitaine Bernhard Geirr et le docteur Orren Lorimer, les réjouissances attendront : les messages qu'ils envoient vers la Terre ne reçoivent aucune réponse… hormis celle venant d'un autre vaisseau en orbite, l'Escondita. Mais les femmes à bord de ce dernier n'ont jamais entendu parler du Sunbird. Elles ne savent même pas ce qu'est Houston…
La novella, ou roman court, est un format délicat, qui doit éviter aussi bien la prolixité du roman que le laconisme de la nouvelle. À ce petit jeu d'équilibriste, James Tiptree Jr. s'en sort à merveille. Elle (oui, c'est une femme qui écrivait sous ce pseudonyme masculin) utilise admirablement les 128 pages de Houston, Houston, me recevez-vous ? non seulement pour croquer trois hommes à la psychologie plus ou moins complexe, mais aussi pour brosser à grands traits une société féminine utopique.
Les questions de genre sont au cœur de l'intrigue, avec d'un côté les femmes issues de cette société idéale et de l'autre les hommes pour qui elle a tout du cauchemar. C'est toute la tragédie du récit : les seconds s'avèrent incapables de dépasser leurs préjugés misogynes, trop fermement ancrés en eux et qu'ils justifient par leur foi chrétienne, leurs pulsions sexuelles ou simplement leur croyance irrévocable en la supériorité de l'homme sur la femme. Ce n'est en rien divulgâcher l'intrigue que d'indiquer que les choses ne se finissent pas bien pour eux : il ne pouvait en aller autrement.
Pas besoin de partager le pessimisme de Tiptree sur les relations hommes-femmes pour apprécier cette novelette bien rythmée, à la plume acide, qui n'a presque pas pris une ride en un demi-siècle. C'est une excellente idée de la part du Bélial' de donner un coup de projecteur sur ce texte qui n'était pas facile à se procurer en français.