Levi King, neuf ans, traverse le lac Caddo à la tombée de la nuit. Ce lac immense se situe à la limite de la Louisiane et du Texas, et naviguer dessus la nuit accroît le risque de se perdre dans ses innombrables bayous et de passer la nuit dans sa barque au milieu des animaux sauvages et de cette obscurité si effrayante pour un enfant. Le lendemain matin, Levi a disparu. Darren Matthews, un Texas Ranger noir, est envoyé là-bas pour porter assistance à la police locale car l'enfant n'est pas n'importe qui. C'est le fils d'un suprémaciste blanc de la Fraternité Aryenne, purgeant un peine de prison pour un meurtre raciste. Darren n'est pas vraiment là pour retrouver l'enfant mais plutôt pour récolter des informations sur la Fraternité et faire tomber cette organisation.
Mais en découvrant Hopetown où vit le garçon, le Ranger découvre une situation surprenante. Ce village a été fondé par des anciens esclaves, où ils vivent en symbiose avec les restes d'une communauté indienne : les Caddos. Les terres alentour appartiennent à la famille de Leroy Page, le patriarche de cette communauté bigarrée. Et pas loin à côté des maisons des noirs, des mobiles-homes habités par des rednecks (ploucs) sympathisants de la Fraternité ont squatté le terrain. C'est dans cette situation explosive que débarque Darren, d'autant plus explosive que le vieux patriarche est rapidement soupçonné d'avoir tué l'enfant pour se venger de l'occupation illégale du terrain.
Contrairement aux ordres initiaux, le Ranger va s'intéresser vraiment à la disparition et aux relations difficiles qu'entretiennent ces communautés, situation qui trouve un écho à son histoire familiale. À cela s'ajoutent des problèmes conjugaux pour Darren ainsi qu'une histoire de dissimulation de preuves que sa mère tente d'exploiter à son détriment.
Le pitch était intéressant et promettait monts et merveilles à un lecteur comme moi friand d'histoires se déroulant dans le sud profond des États-Unis, avec cette atmosphère étrange et les conflits raciaux. Après la lecture, je suis un peu resté sur ma faim, l'atmosphère est bien rendue et l'on approche un peu la vie de ces rednecks qui sont pauvres et votent Trump voire pire, et en veulent à la Terre entière pour leur misère. Autant la vie autour de la communauté noire et des Caddos est relativement développée, autant celle des rednecks reste en surface. J'aurais aimé que l'auteure nous en apprenne un peu plus sur leurs motivations et leur racisme. J'ai aimé découvrir, dans ce Texas profond, ce que représente un noir doté d'un insigne des Rangers immergé au milieu d'une communauté de racistes, et le regard qu'ils portent sur lui et la patience dont il doit faire preuve pour supporter cela.
Sinon l'enquête policière en elle-même est intéressante, efficace et les fausses pistes contribuent à nous balader un moment. Attica Locke, dans ce roman, dresse un constat politique de son pays et de l'État du Texas, elle s'interroge aussi sur ce pays capable de voter deux fois pour Obama et de voter Trump juste après. Elle pose la question de savoir si, de nos jours, un noir peut occuper une fonction d'autorité sans être contesté ou menacé par des blancs qui ne supportent pas l'élévation des autres communautés.
Les personnages ont du caractère et chacun apporte sa pierre à la construction de l'intrigue. Par contre, je suis resté un peu de marbre devant les soucis conjugaux du héros, que l'on comprend difficilement si on n'a pas lu le livre précédent Bluebird, bluebird.
Si vous aimez l'atmosphère poisseuse de la Louisiane, découvrez les romans sur Dave Robicheaux de James Lee Burke pour cette ambiance si particulière et ce flic atypique. Et si ces rednecks vous intriguent comme moi, je vous invite à lire Hillbilly élégie de J.D. Vance qui nous en apprend un peu plus sur leurs vies et leurs motivations électorales.