Les Chroniques de l'Imaginaire

La Maison du Cygne - Rémy, Ada & Rémy, Yves

A El Golem, le castel construit sur de très vieilles ruines dans le désert de Mauritanie, le Maître veille sur vingt-cinq enfants en provenance du monde entier. Il les aime comme s'ils étaient les siens, et pourtant il sait qu'il les élève de son mieux pour une mission capitale. En effet, les constellations du Cygne et de l'Aigle abritent deux civilisations aux philosophies opposées, et dont chacune lutte pour la suprématie. La Terre est devenue un enjeu, et les petits Cygnes d'El Golem devront orienter leur monde pour l'aligner sur la Maison du Cygne.

Toutefois, au fur et à mesure que les enfants grandissent et deviennent des adolescents, les luttes s'exacerbent autour d'eux, mais aussi en eux, avec les mystères qui s'accumulent, et les rêves étranges qui les habitent. Ainsi, Passy décide de partir du Castel, de se reconnecter avec ce François Vost qui est lui, mais un autre.

L'écriture de ce roman en deux parties est riche, avec un vocabulaire recherché et des images symboliques, à commencer bien sûr par ces deux oiseaux si contrastés, mais aussi avec les noms des personnages secondaires (le Maître, Raphaël, Gabriel...). Toutefois, l'atmosphère en est très différente, voire opposée : à la solitude austère du désert mauritanien, cadre parfait à la discipline quasi-monastique des enfants et de leur éducateur, s'opposent les messes criardes du tourisme et des jeux auxquelles la seconde partie consacre de longs chapitres. De la même façon, la vie en communauté statique du début devient un road-movie vécu par un seul des personnages précédents, et l'apparente quasi-omniscience du Maître met encore plus en relief l'ignorance de Raphaël, et plus encore de Gabriel.

Métaphore de la croissance et du passage à l'âge adulte, avec ses tentations du retour à l'innocence porté par le désir de retrouver le Castel, ce roman a aussi un argument science-fictif, avec la Terre comme enjeu ignorant, et les touches fantastiques lui donnent, comme son écriture, une atmosphère très singulière et envoûtante. Il n'est donc pas surprenant que ce roman ait obtenu le Grand Prix de l'Imaginaire en 1979.

C'est incontestablement une très bonne idée que cette réédition, qui lui donnera accès à un nouveau lectorat. J'aimerais toutefois comprendre pourquoi l'éditeur a estimé judicieux de répéter textuellement la seconde partie dans l'édition numérique.