Depuis leur arrivée à Séoul, quelque chose s’est brisé entre Seong-ji et sa meilleure amie Ji-won. Elles, qui étaient fusionnelles depuis l’école primaire, voient brutalement leur relation se désagréger une fois le bac en poche.
Même si elles se retrouvent dans la même ville, les deux jeunes filles prennent des chemins d’étude différents pour leur rentrée à l’université et n’abordent pas de la même façon leur avenir. Si Ji-won est pleine d’ambition et enthousiaste à l’idée de cette nouvelle indépendance, gage de plaisir et de liberté, Seong-ji quant à elle a peur de perdre leur complicité et ses craintes agacent son amie qui ne semble plus la comprendre.
Aujourd’hui, Seong-ji est étudiante en comptabilité la journée et employée d’épicerie la nuit. Elle passe le plus clair de son temps à ruminer son amitié perdue et à compter les jours en replongeant dans les souvenirs et les promesses de l’adolescence.
Un soir, pendant ses heures de travail, elle rencontre Mary, une jeune femme énigmatique qui s’introduit chez les gens la nuit durant leur absence pour peindre et photographier les lieux.
De nature plutôt rationnelle et rigoureuse, Seong-ji se retrouve projetée dans un univers inattendu. Elle découvre un monde onirique, où tout semble bien plus simple. L’exploration du lieu de vie et de l’intimité d’inconnus va l’amener progressivement à prendre confiance en elle et peut-être même finalement de se découvrir elle-même.
Je ne connaissais pas du tout Samir Dahmani, pourtant à l’origine de l’adaptation de L'Extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea et je dois dire que c’est d’emblée les illustrations que j’avais pu apercevoir de son nouveau projet graphique qui m’ont irrémédiablement donné envie d’avoir cette BD entre mes mains !
Et je n’ai pas été déçue du voyage : les aquarelles sont tout simplement sublimes. Elles conjuguent à la perfection influences asiatiques et européennes pour un résultat remarquablement doux mais ô combien vivant.
Difficile de ne pas être embarqué dans cette déambulation nocturne où se révèle à nous un Séoul vaporeux aux ambiances énigmatiques et résolument poétiques. On sent que l’auteur connaît les lieux et que ces balades sont autant pour lui que pour ses personnages une plongée dans des souvenirs personnels.
Introspectif et envoûtant, cet album navigue entre plusieurs thématiques telles que le passage à la vie d’adulte, la fin de l'insouciance, l’expérience de la séparation, les désillusions amicales et amoureuses. C’est un récit initiatique touchant, même si j’ai trouvé le point culminant de l’évolution des différentes relations un peu abrupte, voir expéditif à la fin.
Quoiqu’il en soit, les traditions et les usages de ce pays, où comme le stipule l’auteur, « il est impoli de mettre en avant, à la vue de tous, son mal-être et ses inquiétudes », sont pertinemment retranscrits. En s’inspirant du réel et de ses observations, Samir Dahmani offre au lecteur un véritable hommage à la culture coréenne.
C’est également une ode aux éléments naturels avec la présence de la mer et l’omniprésence de la nuit. Une nuit qui peut revêtir bien des aspects, tout à la fois dangereuse, sombre, triste, intime, fantastique ou surnaturelle tant elle facilite une certaine errance de l’esprit. Le titre n’est pas anodin, c’est un moment clé de l’histoire, et c’est à vous à présent de la découvrir !
