Les Chroniques de l'Imaginaire

Rossignol - Pleynet, Audrey

Tous les stationniens sont différents, au sens où tous sont constitués des gènes de plusieurs espèces différentes, selon des pourcentages classés comme Majo(ritaire)s ou Mino(ritaire)s. Tous les stationniens appartiennent d'abord à la Station, et peuvent tous y vivre grâce aux Paramètres, que plus personne ne sait vraiment gérer, mais qui, adaptés aux besoins de chacun individuellement selon ses pourcentages, permettent une vie commune.

Mais la Station existe depuis longtemps, et des entités politiques ont des visées sur ses ressources. Elle est devenue un enjeu, et rapidement sa population se déchire entre Spéciens, qui veulent une séparation entre les différentes espèces représentées, et Fusionnistes, qui sont pleinement satisfaits du melting pot actuel. La narratrice va jouer un rôle crucial dans cette guerre civile, plus ou moins à son corps défendant, et alors que son unique projet était d'élever son fils du mieux possible, en lui transmettant la vieille chanson que sa mère à elle lui chantait dans son enfance : "chante, rossignol, chante..."

Ce court roman présente un univers cohérent, avec une variété époustouflante d'espèces extraterrestres, réunies pour certaines au sein d'un melting pot fonctionnel. A ce titre, c'est en grande partie la description allusive d'une utopie, dont les lignes de fracture, qui se développeront par la suite, apparaissent petit à petit. L'espèce que la narratrice connaît le mieux est celle des 'Has, à laquelle appartient sa meilleure amie, ce qui permet d'en apprendre beaucoup à leur sujet. La progression dans le temps est plutôt bien maîtrisée, tout au long de la vie de la narratrice, même si la fin est rapide au sens où l'univers a apparemment évolué de façon inattendue en arrière-plan.

Par ailleurs, tant l'humanisme du "vivre ensemble" malgré les différences que la crispation identitaire qui y met fin ne peut qu'avoir des résonances dans le monde où nous vivons. Ce message porté par la narratrice comme par inadvertance touche le lecteur ou la lectrice délicatement et habilement, ce qui est une qualité appréciable, à mon avis.

L'impression dominante à la fin de la lecture est celle d'une frustration, toutefois, au moins en ce qui me concerne. Plongée tête la première dans un univers riche que j'ai mis du temps à saisir, présentée à un tourbillon d'espèces dont la plupart - à part les 'Has, donc - sont à peine caractérisées au détour d'un paragraphe pour ensuite disparaître, j'ai eu du mal à vraiment accrocher à ma lecture, au moins dans la première moitié, ce qui est gênant pour un format aussi court. En fait, la richesse même de l'imagination devient dans ce contexte un handicap, et c'est vraiment dommage.

Il n'empêche que le roman est intéressant, et que le nom de sa jeune autrice est certainement à retenir. Pour ma part, je suis curieuse de ses futures oeuvres.