Jevick est le fils d'un riche marchand de poivre de Tyom, sur l'île de Tinimavet. Tous les ans, son père se rend en Olondre pour vendre ses produits sur le marché aux épices de la grande ville de Bain. Un jour, il rentre d'Olondre accompagné d'un dénommé Lunre, qu'il a embauché comme précepteur pour Jevick. Celui-ci apprend à lire l'olondrien et se plonge avec délices dans les livres apportés par Lunre, qui comprennent quelques-unes des plus grandes œuvres littéraires d'Olondre. A la mort de son père, le jeune homme n'a qu'une hâte : effectuer à son tour le voyage à Bain pour découvrir en personne Olondre et ses charmes.
Mais rien ne se passe comme prévu et Jevick se retrouve hanté par le fantôme de Jissavet, une jeune fille originaire comme lui de l'archipel du Thé, morte en allant chercher un remède à sa maladie incurable. Communiquer avec son esprit fait de Jevick un prophète aux yeux du culte de la déesse de l'amour Avalei, alors que les prêtres de la Pierre le considèrent comme une menace à l'ordre public. Piégé au cœur d'intrigues politiques et religieuses qui le dépassent, enfermé, ballotté, martyrisé, le pauvre jeune homme n'est pas près de rentrer chez lui.
Certains livres sont si frappants qu'ils vous accompagnent longtemps après que vous en avez tourné la dernière page et Un étranger en Olondre en fait partie. La plume de Sofia Samatar est réellement enivrante, avec une profusion folle de couleurs, de sons et d'odeurs, de sensations et d'émotions. Elle donne vie à un univers orientalisant envoûtant qui m'a rappelé par moments l'Alexandrie de Lawrence Durrell, avec une touche de fantasy si légère qu'elle en est presque impalpable, et pour le moins très différente de ce que l'on associe ordinairement au genre.
Ce n'est pas le genre de récit qui plaira aux amateurs d'action ou de suspense. Le rythme est lent et mesuré et l'histoire de Jevick est celle d'un rat de bibliothèque qui ne veut pas s'impliquer dans les grandes affaires du monde : sa principale contribution à la résolution de l'intrigue consiste à écrire un livre. Davantage que son histoire, ce sont celles des femmes et des hommes qu'il croise qui sont les plus dignes d'intérêt : ses parents, son frère, ses amis et bien sûr Jissavet, double et miroir déformant qu'il aime et déteste à la fois, dont il rêve de se débarrasser pour ne mieux le regretter qu'après.
Un étranger en Olondre est un roman époustouflant qui n'a pas usurpé les prix qui lui ont été décernés. Si vous aimez la fantasy, vous vous devez de le lire, et si vous n'aimez pas ça, c'est le genre de livre susceptible de vous faire changer d'avis.
