Les Chroniques de l'Imaginaire

Dune : un chef-d'oeuvre de la science-fiction - Allard, Nicolas

Cet ouvrage critique porte sur le roman Dune de Frank Herbert et lui seul, étant donné qu'il est le seul - à part une série datant déjà d'un bon nombre d'années, Children of Dune, qui adapte l'action du Messie de Dune et des Enfants de Dune - à avoir été adapté, et qu'il est bien sûr le plus connu, et lu du plus grand nombre.

La première partie se penche sur l'écriture du roman et son adaptation à l'écran. L'auteur détaille donc les différentes composantes de l'univers de Dune : les Maisons Atréides et Harkonnen et leur rivalité, l'empereur, le Landsraad, le Bene Gesserit, etc. Il évoque ensuite les personnages, présents ou non de façon évidente, Irulan étant un cas particulier puisqu'elle est à la fois très présente par son écriture, en tête de chapitre du roman, et à peu près absente aux yeux du lecteur, puisqu'elle n'apparaîtra "physiquement" qu'à la toute fin. Il rappelle enfin les différentes tentatives d'adaptation, la plus récente étant celle de Denis Villeneuve, dont le premier volet est sorti en 2021.

Dans la deuxième partie, Nicolas Allard étudie les aspects politique, féministe et écologique de l'oeuvre de Frank Herbert. Le premier aspect est en fait limité à l'aspect messianique du roman et donc à la façon dont politique et religion se confondent pour Paul et les Fremen qu'il conduit. Le versant écologique raconte l'origine de l'idée du roman pour Herbert, et les influences qui avaient pu le porter à s'intéresser au sujet, dès les années 1960, tout en montrant comment le thème est traité dans le roman. Enfin, la galerie de portraits de "femmes puissantes" constitue l'aspect féministe. Il aborde également le thème du transhumanisme sous l'angle des modifications apportées aux humains, que ce soit pour augmenter leurs capacités de réflexion, dans le cas des Mentats, ou plus généralement leurs capacités physiques et psychiques, dans le cas des Soeurs du Bene Gesserit. Le cas particulier des Tleilaxu, qui n'apparaît vraiment qu'à partir du tome suivant, est à peine abordé, comme celui des Navigateurs de la Guilde. La réflexion conséquente sur ce qui constitue la monstruosité, centrée sur Alia, est à peine esquissée. Le dernier chapitre de cette partie met en relief de façon intéressante les influences littéraires du roman, entre Voyages extraordinaires de Jules Verne et tragédies de Shakespeare.

Enfin, la dernière partie considère l'influence qu'a pu avoir Dune sur la pop culture en général, Star Wars et Game of Thrones en particulier. Etant totalement étrangère à l'univers de Star Wars, je n'ai aucun avis sur les rapprochements qu'opère Nicolas Allard. Pour ce qui concerne Game of Thrones, et son rapprochement de Paul Atréides avec Bran Stark, je veux faire observer que les exemples qu'il donne pour manifester ce qu'il appelle la "déshumanisation" de Paul me semblent choisis de façon tendancieuse. Par exemple, il s'abstient de citer un extrait qui suit de très près (six pages plus loin dans l'édition Pocket) sa longue citation de l'interrogation interne de Paul quant à son absence de chagrin ressenti suite à la mort de son père : "Maintenant, mon père, je peux te pleurer. Et les larmes roulèrent sur ses joues."

Le fait que l'ouvrage ne porte que sur Dune rencontre là, à mon avis, son pire écueil : il est illusoire à mon avis d'avoir un regard définitif sur des personnages que l'on ne voit agir que pendant quelques années de leur vie, en période de crise vitale, sans parler de la crise hormonale représentée par l'adolescence de Paul et la grossesse de Jessica. Outre cela, l'évolution par la suite du Bene Tleilax et du Bene Gesserit, et de leurs rapports, entre eux et avec Ix, qui bien sûr n'apparaît pas du tout ici, est potentiellement riche de réflexions sur la politique, les manipulations et le transhumanisme.

En somme, c'est intéressant, cela plaira probablement à ceux qui n'ont lu que le premier tome et vu une ou plusieurs adaptations, mais c'est un peu court pour les connaisseurs de la totalité de l'univers qu'ouvre Dune.