Les Chroniques de l'Imaginaire

Les coeurs perdus - Jourdain, Hervé

Quand Noë Dubreuil revient, diplôme en poche, à Pierre-Brune après ses trois années d'études de la médecine à Montpellier, il s'attend à être accueilli à bras ouverts par sa famille, mais surtout par la belle Marie Angibaud, son amie d'enfance et la femme qu'il aime. Mais son père est seul dans la maison, ayant envoyé les femmes de la famille à La Rochelle, où elles seront davantage en sécurité que dans ce territoire vendéen où la colère gronde. Mais la situation politique est plus instable que jamais. Mais les guerres de religion semblent faire leur retour, et les Dubreuil sont dénoncés comme "parpaillots" alors même que Noë est baptisé. Mais en son absence Marie s'est fiancée à Guillaume Chapelier, fils de François Chapelier, l'homme fort du village. Cet ancien régisseur des Lusignan-Longeville a proclamé son attachement à la révolution, a racheté les terres de ses anciens maîtres, et a été nommé maire du village.

Peu après son retour, la violence se déchaîne à Pierre-Brune même, le père Angibaud est tué, leur maison incendiée, et les quatre soeurs jetées sur les routes. Quant à Noë, dont le père est à son tour parti pour La Rochelle, il n'a pas vraiment le choix de sa destination : ses talents de médecin sont requis par la force, que ce soit par les Bleus ou par les Blancs.

La confusion des personnages ballottés d'un côté à l'autre sans rime ni raison fait écho à celle du lecteur, et comme c'était certainement le but recherché par l'auteur, c'est clairement une réussite à cet égard. Le point de vue est celui des "petits", des sans-grades : il n'y a pas de grandes envolées lyriques sur la grandeur de la révolution, ou du pays, et du côté des Blancs le rapport au Roi, ou aux nobles régionaux semble personnel. En fait, chacun cherche à tirer son épingle du jeu, idéalement s'enrichir, et au moins ne pas être tué. Cela dit, l'effet de confusion est peut-être moindre pour les "locaux" familiers de l'histoire et de la géographie régionale. Pour moi qui n'en connais que les grandes lignes, je ne suis jamais arrivée à comprendre de quel côté de la Loire j'étais dans ma lecture, ni quelle importance cela pouvait avoir.

Les personnages principaux me sont aussi restés opaques, tant dans le cas des multiples revirements de Marie que de la fidélité de Noë à son amour d'enfance. En revanche, les "méchants" sont bien campés, et crédibles dans leur opportunisme, qu'il s'agisse de Mardi-Gras ou des Chapelier, et dans les personnages secondaires les aventures de la petite Augustine sont un plaisir à suivre.

En somme un roman à la fois violent et tendre, une histoire d'amour abîmée par les horreurs d'une guerre fratricide, qui saura sans nul doute trouver son public.