Pour punir le roi Minos de Crête qui l'a trompé, le dieu Poséidon rend son épouse Pasiphaé folle de désir pour un taureau. Elle va bientôt mettre au monde un enfant mi-homme mi-bête. Une punition qui se trompe de cible, puisque Minos est ravi de ce monstre - qu'il nomme le Minotaure en hommage à son propre nom - qui va lui permettre d'assoir son pouvoir par la crainte, tandis que l'innocente Pasiphaé va sombrer dans la dépression et voir sa vie détruite. A partir de ce moment, les filles du couple royal, Ariane et Phèdre, vont également souffrir du mépris que leur vaut leur effroyable demi-frère. Comme souvent à cette époque, ce sont les femmes qui paient à la place des hommes !
Trois ans auparavant, Minos a écrasé la cité d'Athènes, qui n'a eu d'autre choix que de ses soumettre à ses exigences. Tous les ans, un bateau amène en Crête quatorze jeunes Athéniens, qui sont jetés en pâture au Minotaure qui les dévore. Cette année, le tribut inclut le prince Thésée, qui annonce ne pas vouloir laisser son peuple souffrir sans réagir. Il est jeune et beau, c'est un guerrier valeureux et charismatique : Ariane en tombe amoureuse au premier regard.
Parce qu'elle ne supporte plus ce sacrifice annuel infâme, parce qu'elle ne veut pas voir disparaître le fascinant Thésée, parce qu'elle ne veut pas épouser le noble libidineux auquel son père la destine... Ariane va aider Thésée. Pas à s'échapper, non, le prince athénien n'est pas venu pour ça : il veut triompher du monstre et retourner chez lui en héros. Avec un coup de pouce de Dédale, le fabuleux inventeur que Minos retient prisonnier à son service, Ariane va trahir son père et renverser le cours prévu des choses.
Et découvrir que les belles paroles des hommes ne sont souvent que du vent, surtout quand il s'agit de héros...
Jennifer Saint nous livre ici une version magnifique de la destinée d'Ariane, choisissant de manière pertinente entre les différents mythes la concernant et les agençant d'une manière très bien ficelée. Mes connaissances en mythologie grecque étant nébuleuses, je me rappelais qu'elle avait aidé Thésée à ressortir du Labyrinthe après y avoir affronté le Minotaure, j'avais un vague souvenir qu'elle avait été bien mal récompensée pour son aide... mais pas grand chose d'autre. Les vignes sur la couverture (somptueuse, d'ailleurs !) ne m'évoquaient absolument rien. Et pourtant, la vie d'Ariane ne s'arrête pas au départ de Thésée, loin de là ! Si vous souhaitez en découvrir davantage, vous n'avez qu'à lire cet ouvrage vous aussi.
L'autrice choisit un point de vue résolument féminin, concentrant le récit principalement sur Ariane, un peu également sur Phèdre, sa sœur au caractère très différent mais dont elle est très proche. Leurs pensées nous sont dévoilées en détail. Les exploits des hommes sont évoqués le plus brièvement possible. Le Labyrinthe et le fameux fil d'Ariane pour y retrouver son chemin sont expédiés en quelques lignes, si vite que je n'ai toujours pas compris pourquoi les sacrifiés avaient besoin d'aller se perdre au fond du Labyrinthe alors que le Minotaure se précipitait sur la porte dès qu'elle s'ouvrait. Le sous-entendu est clair : il n'y a guère de mâle récupérable, entre les Olympiens orgueilleux et jaloux, les demi-Dieux en quête de gloire et même les simples mortels misogynes.
Le travail de recherche est évident, le décor est finement brossé. A maintes occasions, l'autrice profite du récit pour glisser un épisode ou un autre de la mythologie, qui souvent se révèlent servir l'histoire un peu plus loin. J'avais un petit peu peur au début que cela se révèle trop pédant et alourdisse le texte, mais en fait pas du tout, la lecture reste très fluide et agréable.
Cette Ariane est une très agréable surprise, et en plus l'objet livre est beau : pourquoi s'en priver ?