Les Chroniques de l'Imaginaire

La Vieille Anglaise et le continent - Mangin, Valérie & Martino, Stefano

Lady Ann Kelvin est mourante, dans un corps depuis longtemps déclinant. Elle a beau être fatiguée de la vie, elle n'a pas encore envie de mourir. Malgré sa richesse, pas question pour elle d'envisager la transmnèse, la transplantation d'esprit dans un corps cloné. Cela ne tient que quelques années, de plus le sort des clones lui fait horreur.

Elle accepte pourtant l'opération quand son ancien étudiant et amant Marc Sénac se présente à son chevet. Il lui propose en effet une occasion unique : en transférant son esprit dans le corps d'un cachalot, elle pourra mettre en oeuvre un plan secret de la fondation SevenSeas Sheperds, une organisation vouée à la protection de l'environnement marin. En approchant des baleines libres avec son nouveau corps, elle pourra leur inoculer un virus hautement transmissible, non mortel pour les cétacés mais qui devrait convaincre les hommes d'arrêter d'en consommer, et donc de les chasser. Pour une éco-activiste comme Ann, l'occasion est trop belle !

J'avais pris une claque en lisant la novella de Jeanne-A Debats lors de sa publication chez Griffe d'Encre en 2008, il y a déjà quinze ans. Pas question pour moi de laisser passer cette BD sans la lire, même si je n'étais pas très friande du style graphique !

Valérie Mangin, amie de l'autrice de l'oeuvre originale, signe une adaptation réussie, qui reprend le récit en restituant avec la même force les grands thèmes abordés. Ecologie, féminisme, activisme, mais également le poids de l'engagement : jusqu'où peut-on aller quand on place ses idéaux plus haut que sa propre survie ? 

Après lecture de la BD, l'envie m'a pris de refeuilleter la novella, et je trouve que le scénario est particulièrement fidèle au texte original. J'y ai retrouvé jusqu'à ce goût de sel et d'algues qui bouleverse les sens d'Ann dans son corps marin, cette amitié magnifique avec 2x2x2 qui se révèle un être aussi doux que sensible, la beauté onirique du Continent Cétacé... Ces passages très beaux contrebalancent efficacement les passages plus sombres, puisqu'il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un thriller.

Graphiquement, je l'ai déjà dit, je ne suis pas fan des dessins de Stefano Martino. Les dessins ont des traits trop appuyés à mon goût, les personnages des faciès qui me rebutent, les couleurs manquent de nuances. Il me faut pourtant reconnaître que ces couleurs sombres et froides sont tout à fait appropriées, tant aux fonds abyssaux qu'au récit glaçant qui s'y déroule.

A noter en fin d'ouvrage quelques pages de cahier documentaire, qui en disent un peu plus long sur l'oeuvre de Jeanne-A Debats et la travail d'adaptation effectué, et qui se révèlent très intéressantes également.

Bref, que vous connaissiez ou non la novella d'origine, je ne peux que vous conseiller cette BD magnifique qui lui rend un hommage éblouissant !