Les Chroniques de l'Imaginaire

Le dernier espadon (Blake et Mortimer - 28) - Van Hamme, Jean & Berserik, Teun & Van Dongen, Peter

Au bord d'une route menant à un aéroport militaire, un officier de la Royal Navy est abattu. L'homme et son chauffeur sont remplacés par des sosies avant de passer les contrôles d'entrée de la base militaire.
Quelques jours plus tard, un hydravion se pose clandestinement à proximité des côtes irlandaises et y dépose un ancien SS.
L'aéronef explose peu après le décollage.

Pour l'époque, nous sommes quelques mois après la guerre.
Pour le lieu, nous sommes dans un manoir isolé sur la lande irlandaise.
Pour les participants, nous sommes en compagnie d'un vétéran de la SS et d'un dirigeant de l'IRA.
Pour la discussion, les invités relancent un travail inaccompli pendant la guerre : anéantir Buckingham Palace, occupé par la famille royale de préférence !

Le secret de l'espadon est l'une de mes bandes dessinées favorites. Jacobs n'y avait pas encore atteint le niveau de qualité graphique ou scénaristique qu'il montrera dans La marque jaune ou SOS météores mais il avait un talent rare et pointu, celui d'écrire une grande histoire, un récit mêlant guerre, espionnage, science et aventure, qui prend à la gorge, qui met en scène une tension formidable - du suspense sur des strips dessinés !

Et après avoir usé mes exemplaires, le moi-gamin qui était plongé à fond dans l'histoire est devenu un adulte qui se délecte d'instants mémorables - relisez donc le passage avec Mortimer prisonnier à Karachi, c'est un chef d'œuvre.

Alors, comment donner une suite à cela sans rater son coup ? La suite de La marque jaune m'avait déçu et ennuyé.

Dans ce cas-ci, le scénariste n'est pas le même. Van Hamme est en charge du dernier espadon. Le gars de XIII. Le gars qui a lancé le renouveau de la série Blake et Mortimer avec L'affaire Francis Blake, un épisode meilleur que des histoires de Jacobs lui-même. Le dernier espadon est une réussite.

Van Hamme a donné la vie à un thriller d'espionnage superbement efficace, gonflé d'énergie, remémorant les vieux souvenirs juste comme il faut, en les ponctuant d'une touche d'humour tout en finesse (au Centaur Club, en plus !). Tout fonctionne dans cet épisode de Blake et Mortimer. L'ambiance, les personnages, les relations entre eux, le respect du cahier des charges de la série et le dessin. Les Néerlandais Teun Berserik et Peter van Dongen, qui se sont déjà occupés du diptyque de La vallée des immortels (avec Sente au scénario), font un excellent travail - c'est une constante pour les dessinateurs depuis la reprise de la série - malgré toutes les difficultés qu'amènent les fameuses scènes à dialogues interminables avec des personnages quasi-immobiles. Visuellement, le travail de Berserik et van Dongen met en avant ce récit avec élégance et plus de violence que d'habitude, m'a-t-il semblé. Enfin, les effets de nuit et de pluie sont fort bien réalisés (Londres, nocturne et humide...).

Cette chronique d'un Blake et Mortimer par un amateur de longue date est franchement subjective. Je l'admets sans rougir. Je ne vais pas chercher à développer ses points faibles - il y en a un, qui m'a valu un soupir et un roulement d'yeux agacé mais qui s'est vite évaporé quelques cases après - sans y croire vraiment.

Le dernier espadon est grandiose, un instant de nostalgie rafraîchissant pour les connaisseurs et une BD captivante pour tous les autres.