Au cours de ses mille années d'existence, l'Ancienne, Vanina, a visité la terre entière... sauf l'Andalousie. C'est ce qui la porte à accepter le cadeau d'un séjour sur place que lui ont organisé et offert ses "affreux petits-neveux". Même si elle est sûre que les neveux en question guignent son héritage, et les soupçonne en conséquence de vouloir sa mort, elle ne peut être paranoïaque tout le temps, et Le Chat qui l'accueille à l'aéroport est bien sympathique.
Elle est moins sûre à propos du Chien, toutefois, et elle ne peut s'empêcher d'être troublée par les bruits de chaînes qu'elle entend la nuit autour de la maison qu'elle occupe. Vrais ou faux fantômes ? Et d'où viennent tous ces Chinois ? Peu à peu, elle en apprend davantage sur les lieux, et sur ses hôtes. Le Chat l'emmène voir feu le fleuve Andarax, réduit à une plaine de rochers en bordure du désert où subsistent les décors de westerns et autres films tournés sur place. Un soir bien arrosé, il lui raconte l'histoire de sa vie, qui fait prendre conscience à Vanina que certains de ses souvenirs sont toujours présents, et source de juste colère.
Rarement roman a davantage justifié l'étiquette "Inclassable" ! Il y a là-dedans du mystère, du fantastique, de l'anticipation avec les "journées à gaz", si chaudes que la terre rejette des gaz mortels, que nous n'avons pas encore eu le "plaisir" de subir, le tout dans notre monde très actuel, avec les références fréquentes aux réseaux sociaux et à la figure médiatique de Greta Thunberg. Tout ça à un rythme d'enfer qui m'a emballée avant de me donner le tournis.
Il n'empêche que c'est fait avec un indéniable talent, un style enlevé qui donne vie à des personnages improbables mais auxquels on s'attache, qu'il s'agisse de l'Ancienne elle-même, du Chat enfin décidé à débarrasser le secteur du violeur qu'est son père, du Chien flambeur, ou de la timide mais serviable Girafe.
L'autrice aborde les sujets graves de notre temps - les violences faites aux femmes, la catastrophe climatique à venir - sous une forme sans nul doute très personnelle. La célèbre citation "l'humour est la politesse du désespoir" semble bien être à la base de ce roman flamboyant, déjanté et original, dont je ne doute pas qu'il trouvera son lectorat.