Les Chroniques de l'Imaginaire

La fille parfaite - Azoulai, Nathalie

Adèle n'avait que quarante-six ans et semblait mener une vie parfaite. Mariée depuis longtemps avec son amour d'adolescence, mère d'un adorable fils de dix ans, chercheuse reconnue dans les sciences mathématiques. Une ombre au tableau peut-être, voir la médaille Fields lui passer sous le nez l'année de ses quarante ans. Une déception incontestable. De là à se pendre un beau matin de juin ?

Rachel est sonnée. Leur amitié a connu des périodes creuses mais elles se connaissent depuis si longtemps, ce geste est incompréhensible. Pourquoi cette femme belle, intelligente, avec une grande carrière s'est-elle donné la mort ? Rachel repense alors à leur rencontre. Un coup de foudre amical. Deux blondes qu'on prenait pour des sœurs jusqu'à ce qu'elles enlèvent leurs lunettes de soleil et laissent apparaître leurs yeux différents.

Deux amies unies malgré leurs centres d'intérêt divergents, et leurs milieux opposés. Adèle a grandi dans une famille modeste et formait avec son père un duo obnubilé par les sciences, le tangible, l'exact, le certain. Rachel en revanche est issue d'une famille bourgeoise et lettrée, pour laquelle les mots priment sur tout. Deux façons de voir le monde totalement différentes, dans lesquelles chacune des filles se coule sans que cela ne les empêche d'entretenir une amitié sororale.

Le roman repose entièrement sur la relation des deux filles et peine à démarrer, s'attardant longuement sur leurs différences. Puis à partir de leurs années d'étudiantes, quand elles se perdent de vue, l'histoire gagne en complexité. Les personnages s'étoffent, surtout celui d'Adèle qui court après un rêve, celui de réussir sa carrière tout en affirmant sa féminité. Il est hors de question qu'elle se masculinise sous prétexte qu'elle évolue dans un milieu d'hommes et jamais elle n'arborera d'autre coiffure que sa longue chevelure lâchée.

Finalement, plus qu'un roman d'amitié, c'est un roman de femmes. Celle qui mesure tout en écartant ses doigts ; celle qui est devenue écrivain. Celle qui a choisi de fonder une famille ; celle qui ne veut d'autre enfant que celui qu'elle s'est choisi chez son amie. Celle qui a de l'ambition ; celle qui accepte de se laisser porter. Celle qui a abandonné ; celle qui essaie de comprendre.

Malgré ses indéniables qualités littéraires, malgré le nouveau souffle une fois l'adolescence passée, La fille parfaite ne parvient pas à sortir d'une certaine monotonie, alimentée par la comparaison constante entre la scientifique et la littéraire, qui tombe parfois dans la caricature. La relation des amies est intéressante mais manque de naturel, d'émotion et d'intensité, si bien qu'elle ne laissera qu'un souvenir inconsistant une fois la dernière page tournée.