Les Chroniques de l'Imaginaire

Son empire - Castillon, Claire

En écrivant le titre de ma chronique, mes doigts ont écrit "Son emprise" et non "Son empire". Lapsus révélateur !

C'est en effet, vu à travers les yeux d'une enfant, l'emprise progressive d'un homme sur sa mère, qui est racontée avec talent dans ce roman court et percutant. Personne n'a de prénom identifié, il y a la fillette qui raconte, sa mère et lui, cet homme qui rend sa mère folle de joie quand elle le rencontre. Il est tellement gentil avec elles deux ! Il joue avec la petite, il veille à ce que sa maman ne se fatigue pas, il les emmène au restaurant, au cirque, au cinéma, fait des projets de vacances. Il vient chez elles de plus en plus souvent. Puis, des petits événements commencent à se produire.Il donne des conseils à la maman sur la façon d'éduquer sa fille. Il est parfois jaloux. Dans les restaurants ou les cafés, il fait des scènes pour des détails insignifiants.

Mais il leur parle aussi d'Esther, sa fille qui adorerait les rencontrer mais qui est chez sa mère, et ce n'est pas facile, il ne la voit pas souvent. Pour la petite fille, cette mystérieuse Esther devient un peu son amie imaginaire. Mais elle voit aussi l'ami imaginaire de l'homme apparaître. Celui qui est méchant, celui qui crie, celui qui est jaloux, celui qui isole sa maman, qui fait qu'elle ne va plus au bureau, elle se met en télétravail, celui qui est très impoli avec les parents de la petite copine de la fillette, celui qui veut tout pour leur bonheur mais qui parfois leur fait un peu peur.

Au fil des pages, la fillette raconte le chaud et froid soufflé par cet homme, qu'elle aime et que parfois elle n'aime plus. On sent, à travers ses paroles, l'emprise de plus en plus profonde qu'il a sur sa mère, comment il arrive à lui extorquer de l'argent, toujours plus d'argent, comment il arrive à la manipuler même quand il n'est pas là. Quand au bout de trois ans environ, sa mère décide enfin de rompre, c'est trop tard. Elles le voient partout, il est devenu une obsession, sa mère est au bord de la folie. Même des déménagements successifs n'arriveront pas à lui rendre sa vie.

C'est un roman court mais glaçant. Les phrases sont courtes, percutantes, pleines d'ironie cachée puisque censées être écrites par une enfant. On termine cette lecture avec une sensation de saleté, c'est presque malsain mais remarquablement bien raconté.

Une histoire qui fait froid dans le dos.