Les Chroniques de l'Imaginaire

La forgeuse d'os (La maison des morts - 1) - Pau Preto, Nicki

Sur une île qui ressemble curieusement à l'Islande, les habitants sont pourvus de sensibilités héréditaires aux éléments. Certains de ces dons n'ont pas grande valeur mais Wren a la chance de descendre d'une puissante lignée de valkyrs, des personnes sensibles aux ossements. Et ce don s'avère crucial car les morts n'étant pas enterrés correctement risquent de revenir à la vie, sous des formes plus ou moins dangereuses, et de massacrer les vivants.

La jeune fille est bien décidée à remporter haut la main les épreuves lui permettant de devenir enfin une valkyr à part entière. Malheureusement, son ambition couplée aux manigances de sa cousine la conduisent à la catastrophe. Pour la punir, la matriarche de la famille l'exile près du mur gardant les territoires de la Faille. Pour Wren, il n'existe pas pire punition. Les territoires de la Faille ont été le théâtre d'un affrontement de grande échelle contre les spectres une quinzaine d'années auparavant. Cependant, il ne s'y passe plus grand chose depuis.

Par chance, le prince Léopold de la Maison d'Or est lui aussi considéré comme un poids mort par sa famille. Il est envoyé inspecter les forts gardant le Mur. Les deux jeunes gens ne tardent pas à s'entendre. Pour Léopold, Wren est une occasion de mettre une pincée de chaos dans son quotidien ennuyeux, tandis que le Prince représente pour la jeunesse l'opportunité de redorer son blason. Les enjeux deviennent plus grands quand le Prince se fait enlever par des rebelles vivant dans les territoires de la Faille et que Wren se trouve bloquée dans une situation hasardeuse avec l'un de ses ravisseurs, le sombre Julian. La jeune fille va devoir apprendre à s'en faire un allié pour sauver le Prince et son honneur tandis que Léopold va pouvoir prouver qu'il n'est pas qu'un prince de pacotille.

Ce premier tome de La maison des morts nous emmène à la rencontre d'un univers où la sensibilité aux éléments détermine sa place dans l'échelle sociale, où les intrigues politiques priment sur l'honneur et même la famille. Ce monde cruel est celui de Wren, un personnage qui fait tout pour se montrer à la hauteur des ambitions de sa famille mais qui ne tarde pas à se faire rattraper par ses propres valeurs et principes. La confrontation à d'autres univers que le sien fait à plusieurs reprises voler en éclats ses certitudes.

Léopold et Julian sont traversés par des doutes de même nature. On pourra regretter que les trop grandes similitudes entre leurs intrigues. Les trois personnages découvrent des secrets similaires, dont les conséquences sur leur vie se ressemblent aussi beaucoup. Néanmoins, leurs relations sont plaisantes à suivre, sur fond de triangle amoureux. 

J'ai quelque peu regretté que la carte de cet univers de fantasy, conçue par l'auteure, reprenne les contours de l'Islande... sans que le récit ne soit a priori supposé se passer dans une Islande alternative. Je ne suis pas sûre de comprendre ce parti-pris : pourquoi ne pas avoir créé un littoral original ?

Heureusement, le récit en lui-même est très prenant. Le rythme est bien dosé, entre péripéties fortes en action et dialogues riches en émotions. L'évocation des morts ou des atrocités commises lors de la guerre de la Faille est suffisamment effrayante pour donner de la tension narrative à l'histoire mais avec assez de distance pour ne pas choquer les lecteurs les plus jeunes ou les plus sensibles.

La forgeuse d'os est un roman jeunesse de bonne facture, entraînant, empli de suspense et de révélations. Si le lecteur aguerri décèlera très tôt certains ressorts scénaristiques, l'ouvrage demeure divertissant. Il augure une série Young Adult truffée de personnages attachants comme on les aime.