Les Chroniques de l'Imaginaire

Humain ♥ animal (GandahaR - 37)

Vous aimez les animaux ? GandahaR aussi ! Pour sa trente-septième et avant-dernière (snif) livraison, la revue dirigée par Christine Brignon propose douze nouvelles ayant pour point commun de présenter sous un jour positif des relations entre l'humanité et le reste du règne animal. En ces temps écologiquement compliqués, c'est une bouffée d'air frais bienvenue.

La plupart des contributrices et contributeurs ont opté pour une forme ou une autre de science-fiction. Dès les premières pages, Philippe Caza nous entraîne dans une Odyssée du Star Beagle aussi déjantée qu'à son habitude à base de lapin bleu géant (!) ; illustrée par ses soins, cela va de soi. JC Gapdy propose juste après une vision plus sérieuse de la première rencontre entre un humain et un animal extraterrestre avec Les ligres de Basatia. Son ligre n'est pas le fruit de l'union d'une d'une tigresse et d'un lion, mais bien un animal imaginaire à la morphologie et au comportement frappants. L'alternance des poins de vue entre les deux protagonistes donne de l'épaisseur à leur relation pour le moins fusionnelle.

Cette technique est également employée par Sylvain Arnaud dans Ensemble, un texte très doux et intimiste sur un vieil homme et un chien errant dans lequel l'imaginaire se fait discret. Plusieurs des nouvelles les plus brèves du magazine s'inscrivent dans ce registre, comme Le chat de la sorcière de Martine Hermant, où le félin du titre expose ses déboires et ses espoirs, ou Belle aberration de Mollo von Mobius, qui dépeint la rencontre entre une biche mutante et un enfant perdu. Ce sont d'agréables parenthèses entre les nouvelles plus longues. Il faut peut-être aussi ranger dans cette catégorie Mère la verte de Mélanie Leroux, un texte à la narration confuse auquel je n'ai pas accroché.

Il s'agit cependant d'une exception parmi ces textes d'une remarquable qualité d'ensemble. On peut citer Tiltane de Céline Maltère, mélange envoûtant de fantastique et d'utopie dont le narrateur oublie ses amours contrariées dans un pays fabuleux où il se lie d'amitié avec un écureuil, ou encore le haletant Frères d’armes et d’écosytème de Constantin Louvain, qui imagine une alliance entre humains et animaux, modifiés pour se comprendre mutuellement et confrontés à une invasion extraterrestre.

Plus près de nous, Cécile Dubard livre avec Incarnation un récit prenant et plein de mystère, à la limite de l'horreur, sur les conséquences d'une invention permettant aux gens qui le souhaitent d'être projetés dans l'esprit d'un animal de leur choix pour en partager les sensations. Julie Conseil s'ancre elle aussi dans un futur proche avec Les amandes de la colère, qui a pour sujet le (réel) déclin des populations d'abeilles dans le monde.  La prose est un brin confuse à mon sens, mais l'imagination est au rendez-vous.

Les dernières pages de la revue font la part belle aux baleines avec deux nouvelles où la part animale du thème est représentée par des cétacés. S. Egidius raconte dans Les dernières immortelles l'histoire poignante d'une femme à l'impossible longévité, fruit d’expériences interdites, qui passe sa vie à la recherche de la baleine avec qui elle s'est liée d'amitié enfant. Chloé Chevalier adopte quant à elle un ton plus gouleyant dans Mo ou les cachaliers, amusante relecture de Moby-Dick dont le protagoniste sabote les efforts des chasseurs de baleines avec l'aide d'un membre pour le moins vindicatif de cette espèce.