Et si vous pouviez acheter le Saint Graal pour 30 centimes chez un brocanteur ? Et s'il y avait vraiment des trolls sous les ponts ? Et si vous pouviez trouver des tueurs à gages dans l'annuaire ? Et si tous les animaux disparaissaient ? Voici quelques-uns des scénarios que déroule Neil Gaiman au fil de cette grosse vingtaine de nouvelles.
Ouvrir le recueil avec Chevalerie (l'histoire avec le Graal) est une excellente idée, car elle témoigne aussi bien du talent d'écriture de l'auteur que de son goût pour la remise au goût du jour des mythes et folklores du passé. Le contraste entre l'esprit grandiose de la légende arthurienne et la médiocrité d'une vie dans un appartement de banlieue fonctionne à merveille grâce à un humour pince-sans-rire vraiment irrésistible.
L'humour, souvent noir, est au rendez-vous dans bon nombre d'autres textes. On peut vous les faire au prix de gros est une petite merveille d'absurdité, tandis que La spéciale des Shoggoths à l'ancienne se moque gentiment du canon lovecraftien en le plaçant dans la bouche de deux poivrots. C'est loin d'être le seul mode du livre, qui offre également de beaux morceaux dans les domaines du policier (Les mystères du meurtre, une enquête au paradis), du conte (l'horrifique Neige, verre et pommes) ou même de l'érotisme (le troublant Cherchez la fille).
Seuls les textes en vers ne m'ont pas convaincu. Ils abordent des sujets intrigants, qu'il s'agisse de relectures sombres de contes classiques ou d'une parodie gouleyante de Beowulf en épisode d'Alerte à Malibu, mais leur forme ne m'a pas séduit, je n'y ai perçu aucune musicalité, peut-être perdue à la traduction. Ils ne sont heureusement pas si nombreux que cela et j'avoue en avoir sauté quelques-uns (c'est le bon côté des recueils).
Si vous aimez le fantastique sous toutes ses formes, Miroirs et fumée vous fera passer un excellent moment. Il prouve que ce n'est pas par hasard que Gaiman est devenu un grand nom du genre.
