Les Chroniques de l'Imaginaire

Reine de coeur - Mizubayashi, Akira

Passionné de musique, Jum est venu parfaire l'art de l'alto à Paris. Il suit ses cours et, le midi, se rend régulièrement au bistrot de Fernand pour déjeuner. Là travaille Anna, la nièce de Fernand. Le jeune homme et la jeune femme commencent à se connaître, à nouer des liens cordiaux qui tournent à l'amitié, puis à l'amour. Malheureusement nous sommes en 1939 et la guerre se fait de plus en plus imminente. Inquiets, les parents du Japonais l'exhortent à rentrer au pays. Jum quitte donc la France par le dernier bateau en partance de Marseille. Nul ne sait quand les deux amoureux pourront se retrouver.

Des décennies plus tard, Marie Mizuné donne un concert à Paris. Elle est premier alto depuis peu et a livré une performance mémorable. Après le concert, un auditeur lui parle d'un roman qu'il vient de lire au cours de leur conversation. Intriguée, la musicienne se le procure. C'est un choc : l'histoire que le livre raconte présente une ressemblance plus que troublante avec celle de sa grand-mère et de son amoureux japonais.

Elle va alors partir à la rencontre de son auteur, remontant ainsi les traces d'un amour perdu subitement ressuscité. Des petits secrets précieusement gardés par pudeur sont découverts un à un, pour le plus grand bonheur du lecteur qui ne peut que se délecter de savourer les miettes éparpillées d'une belle histoire d'amour.

La lanque d'Akira Mizubayashi est délicieuse. Elle est aussi mélodieuse et délicate que l'univers musical qui plane constamment sur le récit, que ce soit par les métiers des personnages comme par les émotions que les instruments insufflent, ou encore par les nombreuses œuvres décrites avec une précision déconcertante pour le néophyte qui a le mérite de donner envie de tout écouter dès le roman achevé. Note pour l'éditeur : une liste des morceaux énoncés serait bienvenue !

L'histoire est belle et émouvante, elle offre des méandres dans la construction (bouts de journaux, points de vue croisés, analepses) qui donnent un rythme enlevé à la lecture, tout en maintenant une atmosphère feutrée d'une grande douceur. Malgré la tristesse, la colère, la mélancolie engendrées par l'absurdité de la guerre, ces vies gâchées. 

Reine de coeur est une nouvelle très belle réussite pour cet écrivain japonais qui démontre à quel point il maîtrise et aime la langue française.