Hoxley-sur-la-Vive est un petit village tranquille comme l'Angleterre de la fin des années cinquante en compte des milliers. Il possède son église, son épicerie, sa boulangerie, son pub évidemment, et ses braves habitants vaquent jour après jour à leurs occupations sans rien demander à personne. Du moins en apparence, car Hoxley a une petite particularité : chaque jour de l'année y est dédié à une sainte ou à un saint, dont l'influence sur les villageois se fait sentir de manière très concrète.
John Nyquist ne va pas tarder à le découvrir. C'est une enquête d'un type bien particulier qui amène le détective privé à s'aventurer à Hoxley. En effet, il a reçu un étrange courrier : une enveloppe remplie de photos prises dans ce village. Sur l'une d'elles apparaît son père, qui a disparu alors qu'il était encore enfant. Se pourrait-il que George Nyquist soit vivant et à Hoxley ?
Pour la troisième aventure de son héros déglingué, Jeff Noon choisit de délaisser le décor urbain qui lui avait si bien réussi dans Un homme d'ombres et La ville des histoires au profit d'un environnement plus champêtre, celui d'un petit village endormi près d'une forêt. N'allez pas imaginer pour autant que cette nouvelle enquête sera une promenade de santé pour son protagoniste ! John Nyquist morfle plus que jamais, aussi bien physiquement que psychologiquement, d'autant que les enjeux sont cette fois éminemment personnels pour lui.
L'intrigue est conçue avec le même soin méticuleux que dans les tomes précédents. Les mystères s'accumulent et s'imbriquent à merveille, avec leur lot de révélations et autres coups de théâtre, et la tension ne cesse de croître jusqu'à la toute fin, aussi bien pour ce qui concerne l'enquête menée par Nyquist que le cadre dans lequel elle se déroule.
Le calendrier des saints qui gouverne Hoxley est une belle trouvaille, digne des univers aussi fantasmagoriques que cohérents dans lesquels se déroulaient les précédentes enquêtes de Nyquist. Il cause pas mal de maux de tête au pauvre détective qui doit tous les matins découvrir et s'habituer à la nouvelle bizarrerie qui gouverne l'existence des habitants du cru, qu'elle soit relativement bénigne (à la Saint-Switten, personne ne doit sortir de son domicile) ou d'une nature plus surnaturelle et angoissante (à la Sainte-Leander… mais non, je ne divulgâcherai rien). C'est très ludique et parfois même franchement rigolo, sans pour autant nuire à l'ambiance étouffante et horrifique qui domine par ailleurs le récit. On s'inscrit clairement dans le courant que les anglophones appellent folk horror, cette horreur qui puise son inspiration dans le folklore, les superstitions populaires et les rites occultes, et c'est ma foi fort efficace.
En résumé, Jenny-les-vrilles est un excellent roman grand-guignolesque au carrefour du polar, de l'horreur et du fantastique, du genre qu'on ne peut lâcher avant la dernière page. Si vous aimez l'un ou l'autre de ces genres, vous auriez tort de passer à côté (et encore plus si vous aimez les trois !).