Les Chroniques de l'Imaginaire

Après nous le déluge - Robin, Yvan

Depuis que le monde a changé, depuis que sa mère est morte, Feu-de-bois vit avec son père dans un cabanon de fortune, à la lisière de la ville. Le jeune garçon a du mal à s'intégrer à l'école et prend davantage plaisir à aller pêcher, seul. Son père désœuvré essaie d'oublier les idées noires qui lui reviennent sans cesse.

Alors que tout ne va déjà pas pour le mieux, voilà que leur univers bascule. L'univers de tout le monde bascule. Ce matin-là, le soleil ne s'est pas levé. Les éléments se déchaînent et bientôt, c'est le déluge. Leur cabanon disparaît, les routes et ponts s'écroulent. Le pire étant que le père et le fils, qui n'ont plus que l'un et l'autre, n'étaient pas ensemble lorsque les évènements se sont produits. Tous deux ne peuvent plus désormais compter que sur eux-mêmes, en espérant se retrouver.

Yvan Robin s'appuie sur le mythe de la création de la Terre en sept jours selon la Genèse. Le roman est découpé en sept parties, une pour chaque jour. Mais le récit va à rebours de l'ordre biblique. L'obscurité envahit la Terre, le ciel et l'eau se confondent, la faune et la flore sont désorientées par le bouleversement de leurs repères. L'analogie religieuse se retrouve jusque dans les prénoms des différents protagonistes que Lazare et Feu-de-bois rencontrent, qui renvoient tous à un épisode de la Bible. Sans doute y a-t-il d'autres références qui apparaîtront aux lecteurs plus avertis.

C'est un récit très sombre, amplifié par l'obscurité omniprésente. L’atmosphère est lugubre, pesante. La seule lueur d'espoir vient d'un refuge hypothétique évoqué par les ondes radio quand on arrive à les capter. Feu-de-bois et Lazare racontent chacun leur tour ce qu'ils vivent, le fils à la première personne, le père à la deuxième. Un parti pris bien utile au lecteur qui pourrait parfois se perdre dans ces décors gorgés d'eau et peuplés d'humains qui ont parfois du mal à garder leur humanité. Les rencontres qu'ils feront seront toutes marquantes de façons bien différentes.

Au détour des évènements surgissent des réflexions sur le mode de vie des humains, qui ont de nouveau recours à l'esclavage, qui oublient la nature et s'en remettent aux technologies. Yvan Robin dresse un tableau noir de notre monde contemporain en utilisant ce récit post-apocalyptique comme un miroir déformant. C'est assez désespérant mais quelque part, il  semble y avoir comme une arche de Noé prête à s'ériger pour rassembler les personnes susceptibles de faire du monde d'après un monde meilleur.

L'Apocalypse et la Genèse s'imbriquent harmonieusement dans ce récit porté par une écriture poétique salutaire, sans laquelle le roman verserait trop abruptement dans l'Enfer pur et simple. C'est une lecture déroutante qui ne laisse pas indifférent et qui, il est important de le préciser, ne laissera pas de côté ceux qui ne connaissent rien aux mythes religieux.